Cette semaine, à travers le regard d’Élise Vinet, Maîtresse de conférences en Psychologie Sociale à Lyon 2, que nous avons sollicitée pour l’occasion, EgaliGone souhaite vous faire découvrir « Alerte à Stéréotypix ». Il s’agit d’un CD-Rom visant à sensibiliser les éducateurs-trices des enfants de 0 à 6 ans aux stéréotypes filles-garçons éventuellement véhiculés dans l’éducation des jeunes enfants. Citoyennes Maintenant, une association basée à Montpellier visant à faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes, est à l’origine de cet projet. Cet outil est un des aboutissements d’une « étude-action » menée en son sein, avec l’appui notamment de la Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l’Égalité et la collaboration de l’association Étincelle.
Voici comment se présente l’outil :

“Stéréotypix est un outil pédagogique composé d’un CD-Rom et d’un livret d’accompagnement. Il a été conçu pour être utilisé dans le cadre de groupe de paroles afin d’aider les professionnel.le.s de la petite enfance à rester vigilant.e.s face aux stéréotypes véhiculés de façon inconsciente. Le CD-Rom se découpe en trois parties : dans la partie 1, quatre saynètes illustrent des situations de vie quotidienne où filles et garçons sont traités différemment. Dans la partie 2, la méthode de travail du cercle de paroles est présentée sous forme de 14 diapositives. La partie 3 propose d’autres scénarii et un lexique. Le livret d’accompagnement permet d’approfondir la réflexion et il indique des ressources complémentaires.”

Sont présentées des situations-types courtes, pour partie en vidéo, pour partie en textes, qu’il s’agit de décrypter en groupe, pour former d’éventuelles personnes-relais qui formeront à leur tour… Lorsque nous en avons pris connaissance à EgaliGone, la démarche a immédiatement fait écho à notre souhait de raconter et analyser des anecdotes sexistes ordinaires vécues dans l’enfance, que nous commençons tout juste à partager, comme La chaîne de vélo, dans notre tag « C’est pas pour toi ». Évidemment, la possibilité d’accoler des scénarios « Tu peux le faire » n’attend que vos contributions pour prendre vie…
Étant donné que cet outil n’est pas disponible sur le net, parents, professionnel.le.s de l’enfance ou relais de l’égalité auprès des milieux de l’enfance, nous vous donnons rendez-vous pour vous le présenter de visu ! Ce sera soit :

  • sur inscription, lors d’une session de sensibilisation animée par EgaliGone le lundi 22 octobre de 20h à 23h à la maison des sociétés de Bron (lieu en attente de confirmation). Cliquez ici pour vous inscrire et avoir plus d’informations.
  • le même jour, même lieu, de 17h30 à 19h30 : nous serons alors disponibles pour échanger avec vous (entrée libre) autour de cette ressource… entre autres.

Place à présent à la parole d’Élise Vinet, qui apporte un éclairage de spécialiste du genre et de psychologue sociale sur cette très intéressante ressource :

3.Photo_Elise_Vinet« Le CD-ROM, destiné à la formation des éducateurs/trices d’enfants de 0 à 6 ans, propose des saynètes malicieuses inspirées de la vie quotidienne et mettant en jeu des stéréotypes de genre, des rôles de sexe, des normes, des postures d’adultes et des postures d’enfants. Mais pas seulement. Il présente aussi des méthodologies d’animation astucieuses et très pédagogiques de type « cercle de parole » autour de ces saynètes, des scénarii complémentaires, ainsi qu’un livret d’accompagnement synthétique proposant quelques éléments théoriques, un lexique et des repères historiques concernant l’égalité femmes/hommes. Cet outil dans son ensemble est très accessible et d’une appréhension facile par tou-te-s.

Mention spéciale à la saynète « la poupée et le petit homme », qui illustre avec beaucoup de justesse la façon dont nos représentations, préjugés et stéréotypes sexués impactent notre appréhension du monde, modulent nos perceptions des enfants notamment, nos interprétations de leurs désirs et besoins, ainsi que des motifs de leurs conduites. Par exemple, lors d’une situation de change qui se passe très probablement dans une halte-garderie ou dans une crèche, une petite fille (un bébé de quelques mois) se retrouve réifiée et figée dans son esthétique « ravissante » par les femmes adultes s’occupant d’elle. Mais alors même qu’elle agite dynamiquement ses membres en étant allongée, elle n’est pas stimulée corporellement par les adultes et repassera directement à la position portée en fin de change. Elle dérange d’ailleurs les adultes lorsqu’elle babille et on la somme de se taire pendant que ces dernières conversent de tout et de rien. A l’inverse, le petit garçon est le centre de toutes les attentions, et passe même avant les adultes. Il est stimulé corporellement, on l’aide à tenir sur ses jambes, « qu’est-ce qu’il est fort ce petit !» et les adultes lui prêtent déjà (il a quelques mois…) des intentions de séduction de la gent féminine… ou comment l’hétéronormativité est inculquée dès le plus jeune âge ! Les adultes vont même jusqu’à flatter le fait qu’il soit prétendument « bien équipé » (à quelques mois ?), un atout indispensable « pour réussir dans la vie »…

Caricatural ? Malheureusement, pas tant que ça… Ces saynètes dans leur ensemble frappent fort mais avec une belle finesse de ton et d’interprétation et illustrent avec justesse nombre d’études scientifiques conduites sur les attitudes et comportements (la plupart du temps non conscients) d’une grande majorité d’adultes envers les enfants. Les adultes, au même titre que les autres agent-e-s de socialisation (dont les médias, les pairs, l’école, les parents, etc…), contribuent encore majoritairement à transmettre les normes sexuées et genrées, délimitant les frontières de chacun-e, pérennisant les rôles sociaux de sexe traditionnels et, ce faisant, l’ordre social hiérarchisé entre les sexes.

En revanche, on pourra regretter que les saynètes, ainsi que les scenarii alternatifs proposés en supplément ne s’axent que sur des comportements normatifs. Déconstruire les stéréotypes de sexe passe aussi par la déconstruction des codes, et c’est notamment par la transgression, par l’interpellation, par l’étrange, que nous sommes conduit-e-s à questionner nos propres schèmes de référence. L’outil gagnerait à s’enrichir de ou à être complété par des saynètes contre-stéréotypiques qui sont à même de « troubler » et ce faisant de générer des réactions (gêne, rejet, etc.) permettant de mettre en visibilité nos lectures sexuées et stéréotypées du monde. Les animateurs/trices gagneraient alors en matière à échanger collectivement. L’outil gagnerait aussi à introduire des saynètes non sexuées et non genrées (donc ni stéréotypées ni contre-stéréotypées ici). Ce type de saynètes permettrait d’offrir une vision dépassant la binarité des sexes en embrassant l’enfant dans sa dimension humaine avant tout. Il n’est pas dit que ces saynètes « hors assignation sexuée » fassent particulièrement réagir les adultes. Et ce serait là justement tout l’intérêt ! Ressentir le poids des normes en leur présence conforme ou transgressive est une chose, l’oublier en leur absence peut justement permettre de questionner leur bien-fondé… »

Si une sensibilisation à l’aide de cet outil vous intéresse, n’oubliez-pas de vous inscrire le 22 octobre à Bron de 20h à 23h. Les places sont limitées. A la semaine prochaine et à vos commentaires !!