egalimois_herbeTHÈME DE L’ATELIER

Suite aux échanges ayant eu lieu lors des trois derniers ateliers du cycle « Analyse de la littérature jeunesse », l’objectif de cette dernière séance était d’imaginer la bibliothèque idéale à proposer à des enfants / des élèves : est-ce possible et souhaitable de construire une bibliothèque uniquement à partir de sélections d’albums égalitaires / non sexistes ? comment apprécier ces sélections ? que faire des autres ouvrages et de leurs autres intérêts ? comment procéder ? quels critères privilégier ?

PARTICIPANT.E.S : 

Loïc BOUR, Lauren BERNARD, Florence FRANCON, Karine BERTRAND, Alessandra FORTIN et Candice, Elise ANNE, Julie DEVIF, Morgane AUCLAIR, Eléonore DUMAS.

Atelier animé et compte-rendu rédigé par Julie DEVIF et Eléonore DUMAS.

Ce compte-rendu est aussi disponible en PDF : EgaliMois n°4

Fuyant la chaleur intérieure des salles de classe, ce dernier atelier a eu lieu à l’ombre des arbres de la cour de l’école Olympe de Gouge ! Dans une ambiance toute aussi studieuse ! (photo Eléonore Dumas)

CATÉGORISATION DES LIVRES

En début d’atelier, nous avons analysé de nouveaux ouvrages jeunesse et nous nous sommes souvenu.e.s de ceux analysés lors des précédents ateliers afin de procéder à une catégorisation de ces ouvrages. Nous les avons ainsi répertoriés en trois grandes catégories :

– Les ouvrages stéréotypés, traditionnels et sexistes ;

– Les ouvrages semi-stéréotypés qui peuvent être considérés « égalitaires » parmi d’autres ;

– Les ouvrages non-stéréotypés et considérés comme véritablement « égalitaires ».

LES CRITÈRES D’UN LIVRE ÉGALITAIRE

Suite à cela, nous avons énuméré les composantes qui, selon nous, doivent impérativement être variées ou mixtes pour qu’un ouvrage soit qualifié d’ « égalitaire ». Sont ainsi apparus :

– Les rôles des personnages : ils doivent être mixtes. Les personnages ne doivent pas être restreints à adopter les codes qui leurs sont généralement associés en fonction de leur sexe. A travers nos analyses, nous avons en effet remarqué que les domaines du passif et de l’intérieur sont quasi-systématiquement associés aux personnages de sexe féminin tandis que les domaines de l’actif et de l’extérieur sont associés aux personnages de sexe masculin.

– Les illustrations : elles doivent être variées. Le positionnement des personnages ainsi que les couleurs, les vêtements et les objets qui leur sont associé.e.s doivent être varié.e.s et neutres au maximum.

– Le langage : les adjectifs qui caractérisent un personnage doivent être mixtes. Nous avons en effet noté à travers nos analyses que les personnages féminins sont très majoritairement décrits à travers des caractéristiques esthétiques et par des adjectifs réducteurs comme « jolie », « petite », « mignonne », « minuscule », « douce », « fragile », etc. tandis que les personnages masculins sont décrits à travers des caractéristiques d’intelligence et des adjectifs imposants et de mise en valeur comme « malin », « rusé », « fort », « courageux », « vaillant », etc.

Les animaux et insectes humanisés : les types d’animaux et d’insectes respectivement associés aux personnages féminin et masculin doivent être mixtes. Nous n’avons en effet pas eu de mal à remarquer que les personnages féminins sont très majoritairement représentés par des animaux de petite taille – souris, grenouilles, etc. – et par des insectes – fourmis, abeilles, araignées, etc. – tandis que les personnages masculins sont bien plus imposants – lions, tigres, ours, loups, dragons, etc.

CE QU’ON ATTEND D’UNE BIBLIOTHÈQUE ÉGALITAIRE

Tout d’abord, il est évident qu’une bibliothèque égalitaire doit contenir majoritairement des ouvrages qui s’éloignent au maximum des stéréotypes féminin / masculin. En effet, ceux-ci doivent servir de référence et contrebalancer la présence d’ouvrages stéréotypés, malheureusement bien plus faciles à trouver. Ce premier cycle d’ateliers sur la littérature jeunesse nous a en effet prouvé qu’il est aujourd’hui difficile de trouver un album jeunesse égalitaire selon les critères que nous avons élaborés et donc quasiment impossible de constituer une bibliothèque avec uniquement de véritables albums égalitaires. Cependant, il est possible d’équilibrer le contenu d’une bibliothèque, c’est pourquoi nous avons conclu qu’une bibliothèque égalitaire pouvait contenir des ouvrages qui véhiculent des stéréotypes. D’autant plus qu’un album très stéréotypé et sexiste peut avoir de l’intérêt si sa lecture est suivie d’une discussion avec les enfants / les élèves. Il peut en effet servir d’accroche et de support pour débattre de l’égalité filles/garçons et femmes/hommes et être ainsi à l’origine d’un véritable travail de réflexion à partir de situations concrètes.

Voici donc les différents critères que nous attendons d’une bibliothèque égalitaire, contenant des livres d’histoire mais également des ouvrages documentaires :

Une parité numérique : il doit y avoir autant de personnages féminins que masculins sur le total des histoires, et notamment autant de héros que d’héroïnes ;

Une mixité des rôles et des schémas socio-culturels : sur l’ensemble des livres, les rôles de chacun.e doivent être mixtes et sortir des représentations traditionnelles du garçon et de la fille, de l’homme et de la femme, du père et de la mère mais également des schémas familiaux, des relations humaines, des émotions, etc. ;

Une variété des couleurs, des attributs physiques et des traits de caractère respectivement associé.e.s aux personnages féminins et aux personnages masculins, tant dans le langage que dans les illustrations et que les personnages soient humains ou humanisés ;

Des personnages non sexués : une bibliothèque égalitaire devrait enfin contenir plusieurs ouvrages dans lesquels les personnages ne sont pas sexués afin de laisser les enfants s’identifier librement.

NOTRE BIBLIOTHÈQUE ÉGALITAIRE

Ouvrage/ CATÉGORIE et commentaires / DANS NOTRE BIBLIOTHÈQUE ÉGALITAIRE ?

  • Pourquoi les grenouilles annoncent-elles la pluie ? aux Éditions Père Castor Flammarion

STÉRÉOTYPE. Cet ouvrage véhicule le « syndrome de la schtroumpfette » : la grenouille, bruyante et agaçante, est le cerveau de l’histoire mais elle n’exécute rien, ce ne sont que de gros animaux masculinisés qui sont dans l’action, et son intelligence ne fait pas d’elle une héroïne. A la fin, elle s’incline même devant « l’empereur du ciel ».

NON

  • Toi grand, moi petit aux Éditions École des Loisirs

STÉRÉOTYPE. Cet ouvrage est trop extrême à notre goût, comme si dans la vie il n’y avait que les forts et les faibles. De plus, le pouvoir est ici clairement une affaire d’hommes puisque l’histoire ne concerne que deux personnages masculins : un lion et un éléphant. Un seul personnage féminin est cité mais on ne la voit pas et son action est maternelle.

NON

  • Le loup et la soupe aux pois aux Éditions Didier Jeunesse

STÉRÉOTYPE. Cet ouvrage, basé sur un conte traditionnel, est extrêmement sexiste : la femme ne parle pas, ne sort pas de la maison. Elle prépare à manger, s’occupe du bébé et exécute les ordres de son mari qui, lui, est un héros. Parce qu’il est justement très stéréotypé et sexiste, il peut facilement servir de point de départ à une discussion, par exemple en questionnant et en ré-imaginant le rôle de chacun.e.

OUI mais suivi d’une discussion et en parallèle de livres qui contre-balancent

  • La princesse, le dragon et le chevalier intrépide aux Éditions École des Loisirs

STÉRÉOTYPE. Cet ouvrage, considéré comme égalitaire par l’Atelier des merveilles, est extrêmement stéréotypé ; ce qui est dommage car plusieurs bonnes idées semblent ne pas avoir été exploitées jusqu’au bout. Par exemple, la princesse est active mais elle est une maitresse d’école et est essentiellement représentée à l’intérieur ; alors qu’elle aurait pu être indépendante, un dragon veille sur elle et la protège au quotidien ; etc. Voir le compte-rendu de l’EgaliMois n°2 lors duquel nous avons analysé puis réécrit cet ouvrage.

NON, autant prendre un conte traditionnel !

  • Je veux un zizi aux Éditions Talents Hauts

STÉRÉOTYPE. Cet ouvrage, déclaré égalitaire par ses Éditions, ne raconte pas vraiment d’histoire. On y voit une petite fille qui souffre de ne pas avoir de zizi de garçon pour plusieurs raisons, toutes très stéréotypées et qu’aucune conclusion ne vient déconstruire. Si ce livre n’œuvre guère en faveur de l’évolution des représentations, il peut être utile à expliquer la différence entre le sexe et le genre à des adultes. Nous ne l’avons pas du tout aimé. Voir notre analyse de ce livre dans le compte-rendu de l’EgaliMois n°3. 

NON et non adapté à des enfants

  • Mamzel Seultout aux Éditions Pour Penser à l’endroit

STÉRÉOTYPE. Cet ouvrage raconte l’histoire d’une jeune fille qui cherche l’amour à travers de nombreux clichés. Dans les illustrations, le rose et les fleurs dominent. Bien que quelques passages soient intéressants, comme lorsque la grand-mère, éternelle baroudeuse, explique qu’elle ne s’est jamais mariée, nous n’avons pas aimé ce livre trop stéréotypé.

OUI mais suivi d’une discussion sur les relations amoureuses

  • A quoi tu joues ? aux Éditions Sarbacane et Amnesty International

SEMI- STÉRÉOTYPÉ. Dans ce livre qui n’est pas une histoire, chaque double-page vise à déconstruire un stéréotype en donnant un contre-stéréotype, via des photos et des phrases. Cependant, le ton du livre est au second degré, ce qui est inefficace auprès d’enfants ; d’autant plus que tous les contre-exemples ne sont pas de véritables contre-stéréotypes. Par exemple, pour expliquer que les garçons ont les mêmes capacités que les filles en cuisine, on peut voir une fillette jouer à la dinette pour le stéréotype et un chef cuisinier pour contre-stéréotype, deux situations loin d’être égalitaires.

NON

  • Grand loup et petit loup aux Éditions Père Castor Flammarion

SEMI-STÉRÉOTYPÉ. Les deux personnages sont des loups masculinisés : l’un est noir, l’autre bleu. Ils sont très actifs et à l’extérieur tout le long de l’histoire. Cependant, ils ont des sentiments d’inquiétude, de peur, d’attention et d’amitié ; et n’ont aucun attribut sexué à part leur couleur.

OUI

  • Le secret de petit ours blanc aux Éditions Milan Jeunesse

SEMI-STÉRÉOTYPÉ. Les deux personnages sont des ours : une mère et son enfant, ce qui est un bon point car les ours sont souvent des personnages masculins. Malgré le caractère très maternel, voire œdipien de ce livre, la mère est active – elle pêche – et aucun attribut sexué ne vient marquer les personnages.

OUI

  • Marlène baleine aux Éditions Sarbacane

NON STÉRÉOTYPÉ. Malgré le fait que le physique soit encore une histoire de filles et que ce soit un maitre-nageur qui conseille l’héroïne, ce livre est une bonne approche pour l’acceptation de soi. Les couleurs sont variées. Nous avons globalement apprécié.

OUI

  • La revanche de Lili Prune aux Éditions L’école des Loisirs

NON STÉRÉOTYPÉ. Ce livre raconte l’histoire de Lili Prune qui, assoiffée d’aventures et d’inventions, est devenue l’héroïne de son village après avoir inventé une machine ayant permis de sauver tous les habitants. Les images sont très colorées, les personnages sont tous les mêmes animaux et portent tous les mêmes couleurs. Les seuls attributs sexués qui distinguent les personnages féminins des personnages masculins sont les jupes des filles / femmes et les poitrines des femmes. Nous aimons !

OUI

  • La belle lisse poire du prince de Motordu aux Éditions Folio Benjamin

NON STÉRÉOTYPÉ. Ce livre inverse les stéréotypes sans être dans l’extrême. Ce sont les parents du prince qui le poussent à se marier, et non ceux de la princesse comme dans les contes traditionnels ; le prince est habillé en rose, bleu et vert et la princesse en rose et bleu ; il fait le ménage et elle lit le journal, etc. Les deux personnages sont actifs. Le seul cliché présent dans ce livre est que la princesse est maîtresse d’école et qu’elle se donne pour mission de « soigner » le prince car il est dyslexique. Malgré cela, nous avons beaucoup aimé ce livre !

OUI

  • Armeline Fourchedrue aux Éditions Folio Cadet

NON STÉRÉOTYPÉ. Cette histoire raconte l’histoire d’Armeline, une jeune fille très active, aventurière, sportive, bricoleuse et ingénieuse qui décide de transformer sa bicyclette en un véritable engin ! Aucun attribut sexué n’est présent, tant sur elle que dans le décor. Nous avons beaucoup aimé ! – bien qu’elle soit qualifiée de « farfelue » dans le résumé du livre.

OUI

  • Sam aime les super-héros aux Éditions Mango jeunesse

NON STÉRÉOTYPÉ. Dans ce livre Sam s’amuse à se déguiser (tant avec les boucles d’oreilles de sa mère que la cravate de son père), investit l’intérieur comme l’extérieur, la danse/le foot, la lecture, le chant, etc. On apprécie la mixité du prénom, la diversité des rôles et des jeux auxquels se prête Sam, ainsi que les couleurs variées !

OUI

  • La catcheuse et le danseur aux Éditions Talents Hauts

NON STÉRÉOTYPÉ. Ce livre, étiqueté égalitaire par ses Éditions, raconte l’histoire de Billy, une fille, et de son meilleur ami Kim, un garçon, dont les comportements déjouent la norme sexuée et qui, de ce fait, subissent de nombreuses moqueries de leurs camarades avant de se faire accepter comme ils sont. Bien que certaines pages soient un peu trop dans le contre-stéréotype, ce qui peut être contre-productif – comme lorsque les garçons sont déguisés en fée, en princesse et en papillon -, nous aimons cet ouvrage clairement égalitaire. Voir notre analyse de ce livre dans le compte-rendu de l’EgaliMois n°3.

OUI

  • La petite poule qui voulait voir la mer aux Éditions Pocket jeunesse

NON STÉRÉOTYPÉ. Ce livre raconte l’histoire de Carmela, une poule qui part à la découverte du monde et affronte diverses difficultés avec courage. Elle entretient une relation égalitaire avec Piticok, qui la suit dans sa famille à la fin de l’histoire. Le seul attribut sexué du livre est que Carmela a de longs cils. Malgré la présence de quelques représentations, comme lorsque la mère demande gentiment à sa fille de se coucher tandis que le père se fâche plus violemment, nous avons aimé cet ouvrage. Voir notre analyse de ce livre dans le compte-rendu de l’EgaliMois n°3.

OUI

  • Sauve qui poule aux Éditions Pocket jeunesse

NON STÉRÉOTYPÉ. Cet ouvrage suit La petite poule qui voulait voir la mer. Des coqs se bagarrent lors d’une partie de cache-cache et se font captiver par des renards. Les poules réfléchissent alors à une solution pour sauver leurs alter-masculins et arrivent à les délivrer. C’est le mouton, maladroit et peureux qui arrive – au final – à faire retrouver la sortie du terrier à ses ami.e.s. On apprécie les rôles mixtes et variés mais aussi que les émotions de peur, de courage, d’amitié soient attribuées autant aux poules qu’aux coqs.

OUI

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