Béatrice Maret est conseillère conjugale et familiale et a complété ses compétences par l’obtention d’un diplôme en médiation familiale.

Après avoir travaillé plusieurs années en centre d’IVG, puis dans une association de garde d’enfants, et enfin à Couple et Famille, une association de conseil conjugal, elle a intégré le CIDFF (centre national d’information sur le droit des femmes et des familles). Suite à une formation dispensée par le CNIDFF, elle intervient depuis une dizaine d’années autour de Lyon pour l’égalité femmes-hommes dans le couple et pour la prévention des violences conjugales, en se servant principalement de deux outils : VIRAJ (violences dans les relations amoureuses des jeunes) et l’arbre du genre. Elle répond à des demandes croissantes (« Parce qu’on parle de plus en plus d’égalité, parce que nous avons un ministère des droits des femmes ; et en plus notre réseau national, le CNDIFF, possède un agrément avec l’Education Nationale »). Béatrice a bien voulu nous parler de ses interventions avec l’arbre du genre.

Propos recueillis par Manon Comacle.

Comme se décline l’arbre du genre ?

L’arbre du genre, est une illustration : les branches représentent le vécu des personnes, des vécus spécifiquement féminins ou spécifiquement masculins, le tronc représente la loi, le droit. Et quand on voit qu’il y a des différences de traitements entre les femmes et les hommes, on essaie de trouver les causes : les racines représentent donc les soubassements idéologiques. Par exemple ce matin j’ai entendu, « bah non c’est les femmes qui font le ménage ». C’est dans quel texte ? Dans aucun texte, ni dans la loi, ni dans un texte religieux, c’est écrit nulle part. Pourtant, on part du principe qu’une femme doit passer le balai à la maison. Ou changer les couches du bébé.

Ce matin j’ai travaillé avec un photo-langage sur le sexisme : on a une femme qui va à la chasse, une femme qui fait de la Formule 1, une femme qui fait de la plomberie, « c’est pas sa place », un homme qui tricote, « mais pas du tout, qu’est-ce que ça veut dire ! ». On va essayer de trouver dans cet arbre ce qui fait qu’on est imbibé, inspiré par notre histoire, notre culture… par différentes manières de traiter les femmes et les hommes.

Ce que je demande dans l’arbre du genre, c’est que les gens me donnent des situations qu’ils ont vécues particulièrement s’ils étaient femmes ou hommes et à partir de ces expériences, on va faire des catégories hommes/femmes, on va définir ce que sont les hommes et les femmes, avec les différences physiques, comportementales, les différences dans les rôles sociaux… Ensuite on va faire un autre chapitre qui serait ce que Françoise Héritier appelle la valence différentielle [des sexes], qui explique pourquoi on va valoriser ou dévaloriser des choses chez les femmes et valoriser ou dévaloriser des choses chez les hommes. Je fais un tableau et on va voir ce qui différencie les femmes des hommes, et je lance des débats.

Avec qui utilisez-vous ce dispositif ?

Je le fais aussi bien avec des secondes, qu’avec des premières, des terminales, ou des adultes. Par exemple, on va dire « un homme est plus apte à prendre des responsabilités ». Il y a toujours quelqu’un dans le débat qui va dire « non, une femme, elle peut prendre aussi des responsabilités ». « Oui mais un homme va prendre des responsabilités au niveau du travail tandis qu’une femme va gérer la famille ». Alors ensuite on regarde au niveau de la loi, est-ce qu’il est inscrit que les hommes doivent plus être présents au niveau du travail, les femmes dans la famille ? Non, la loi dit que l’accès à l’emploi concerne autant les hommes que les femmes et l’implication dans la famille également.

Après il y a divers arguments, « oui mais un homme peut difficilement poser un congé parental, c’est mal vu par son entreprise » et puis « une femme qui réussit professionnellement, on va dire que c’est une mauvaise mère, qu’elle oublie ses enfants ». C’est un débat qui peut durer des heures. On peut voir ce qui nous différencie à chaque niveau (chromosomique, social…).

Au fur et à mesure de cet échange, les participants sentent qu’on est influencé par des stéréotypes de sexes, qui nous disent que pour être une vraie femme, il faut être coquette, il faut être une bonne mère, une bonne maîtresse de maison. Et pour être un vrai homme, il faut savoir protéger sa femme, avoir un bon salaire et être musclé par exemple.

Et c’est là qu’on s’aperçoit que si on inverse les rôles, ça fonctionne quand même. C’est là qu’on définit le genre, par exemple pour l’habillement on s’aperçoit que c’est historique, culturel, que c’est tout à fait relatif au lieu et à l’époque. On voit que le genre est une construction sociale, que ce n’est pas naturel, que la seule chose qui différencie une femme et un homme, c’est le sexe. Dans l’égalité on a une égalité de droit et de traitement, on n’a pas le droit de traiter différemment une personne par rapport à son sexe, dans quelque domaine que ce soit. On l’observe davantage dans certains domaines (le travail) que d’autres (la sphère publique, la sexualité), ce que les élèves ne voient pas forcément.

Vous avez évoqué votre utilisation d’un photo-langage, pouvez-vous nous en dire davantage ?

BM : Ce sont de petites photos achetées au Planning Familial, qui s’intitulent Agir contre un monde sexiste. C’est un photo-langage qui inverse les rôles, une femme qui fait la guerre, un homme qui va chercher ses enfants à l’école… Par exemple sur un forum santé, on peut l’utiliser sur un stand et faire réagir les élèves par rapport à ça. Ils peuvent se dire « Ha c’est vrai, il y a peu de femmes qui font de la plomberie, pourtant aucune loi ne les en empêche ».

Dans ce type d’intervention, l’idéal est qu’il y ait des classes mixtes parce que quand il n’y a que des classes de garçons, ils en rajoutent un peu. Il peut y avoir un discours fort, dans certaines classes, sur le fait que l’homme est supérieur à la femme et personne pour réagir. Ce qui est inquiétant, c’est qu’avant certaines personnes n’étaient pas d’accord et le disaient ; parfois, on tombe sur des classes où personnes ne contredit ce discours. Cela explique en partie la demande croissante d’interventions autour de ces questions.

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Pour aller plus loin :

. Sur l’arbre du genre, voir son utilisation à l’Université de Lille 3 en mars 2014

. Voir aussi notre billet sur VIRAJ, également proposé par le CIDFF du Rhône