Pauline Durand, assistante sociale scolaire, intervient dans un collège en éducation prioritaire. Elle a témoigné le 21 novembre 2014 lors de notre évènement “Eduquer à l’égalité filles-garçons par le théâtre” qui avait lieu à la MJC Monplaisir de Lyon 8ème. Nous la remercions infiniment d’avoir accepté non seulement de témoigner mais aussi que le texte de son intervention soit retranscrit ici.

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Témoignage du 21 novembre 2014 bientôt disponible sous forme audio


Témoignage sous forme écrite :

“Le constat de départ.

Au sein de l’équipe, nous avions constaté des incivilités, des paroles et des gestes discriminants en tous genres entre les élèves. De cette observation est alors née l’envie de plusieurs membres de l’équipe éducative du collège de travailler avec eux autour de ces questions. C’est à partir de là que notre projet à émergé.

L’Egalité filles-garçons à l’école s’inscrit dans un cadre législatif. Ainsi, le Code de l’éducation (art 121-1) inclut dans les objectifs et missions des écoles, collèges et lycées de contribuer « à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d’orientation ». Et, depuis 2000, deux « Conventions interministérielles pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif » ont mis en œuvre une politique d’égalité commune à plusieurs ministères. La seconde, signée en 2013 et qui court jusqu’à 2018, place l’éducation à l’égalité comme un axe prioritaire au niveau national et académique, notamment dans le cadre du Projet d’établissement au travers des Comités d’Education à la Santé et à la Citoyenneté (CESC).

Dans le cadre du CESC de mon établissement, nous avons donc construit un projet transversal  qui s’inscrit dans différentes disciplines, avec les objectifs suivants :

  • favoriser la tolérance et le respect,
  • lutter contre les inégalités,
  • déconstruire les stéréotypes sexués.

Ce projet a des dimensions multiples : réalisation d’affiches, création d’une chorégraphie, travail sur une chanson en langues…

Le projet

Mon témoignage porte sur une partie de ce projet, qui a réuni deux professeur·e·s d’histoire-géographie, dont un emploi d’avenir, une professeure de lettres modernes, et moi, assistante sociale, tou·te·s volontaires.

Pour sa mise en œuvre nous avons choisi une classe de 5ème à petit effectif, modalités pratiques pour nous.

Notre point de départ a été de faire émerger les constats des élèves concernant des situations d’inégalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes.

Pour support, nous avons visionné une partie du film « Billy Elliot », puis proposé des temps d’échange où nous avons mis en exergue un grand nombre d’idées reçues dans les domaines du sport, du travail ou de la sphère domestique.

Puis,  à partir de ces idées reçues, nous avons mis en place des débats, en nous inspirant de l’abaque de Régnier : nous avons projeté des affirmations, et les élèves devaient dire s’ils ou elles étaient d’accord, pas d’accord, ou s’ils ou elles ne savaient pas, et pourquoi.

Cette étape permet de faire émerger un débat, une négociation. C’est la déconstruction.

Ensuite nous avons mis en place une phase de reconstruction : nous avons proposé aux élèves, par petits groupes, d’écrire des saynètes à partir des situations évoquées pendant le débat, ou d’autres situations de la vie courante, avec une consigne : dans cette saynète ils et elles devaient trouver la possibilité de résoudre le problème, d’élaborer un happy end.

La troisième étape a consisté à mettre en scène leurs travaux : apprentissage des textes, répétitions : placement de la voix, du corps dans l’espace, interaction avec les autres élèves.

Et enfin, nous avons filmé les saynètes afin de garder une trace de notre travail pour les élèves, et éventuellement réutilisable par nous avec d’autres élèves.

Evaluation du projet

Les points positifs : 

Il me semble important de mettre en avant les compétences que les élèves ont pu acquérir, liées aux différentes formes du projet (écriture, débat, théâtre) : pensée créative, pensée critique, communication, écoute, gestion du stress et des émotions, prise de décision, esprit d’initiative, autonomie. Il a permis à des jeunes de révéler et/ou d’acquérir ces compétences et de mettre en valeur des parties d’eux ou d’elles que l’on ne peut observer dans le collège ou en classe.

L’action participative a eu des avantages : du début à la fin du projet, nous avons guidé et accompagné les élèves dans leur cheminement. De leur côté, les jeunes s’en sont emparé et l’ont amené là où ça les intéressait, où ils se sentaient concernés. Ils ont fait preuve de liberté de pensée et de création. Le fait de se sentir concernés leur a permis d’être plus investis. Dès lors, nous les avons vu·e·s évoluer dans leurs représentations, du fait des interactions élèves/élèves et élèves/adultes.

Leur faire réaliser des mises en scène a permis de développer initiative et estime de soi, mais pas sans prise de risque. Il nous a fallu les rassurer, s’entraîner, répéter…

La notion de collectif : si l’un·e d’entre eux·elles désinvestit le projet, tout échoue. Cela apprend la solidarité, l’investissement, la régularité.

Selon moi, en tant que membre d’une équipe éducative, le fait de travailler avec des professeur·e·s de différentes disciplines, de par nos fonctions et nos formations différentes, a apporté une vision plurielle du sujet. Cette pluralité permet d’aller au-delà de ses propres représentations.

En tant qu’assistante sociale, ce travail à long terme – une année scolaire – m’a permis de voir les jeunes évoluer tout au long du projet. Le fait d’être en contact avec ce groupe, de façon régulière, en dehors de l’entretien individuel, de les voir avec leurs camarades, leurs professeur·e·s, a fait évoluer mon regard sur eux et m’a permis de mieux les connaître.

Les écueils : 

En abordant ce type de projet, il existe des risques :

  • rester en surface : ne pas avoir en bagage suffisamment d’éléments théoriques afin d’étayer notre propos, ne pas bien comprendre tous les mécanismes qui conduisent à ces situations d’inégalités, ne pas argumenter suffisamment ses propos lors du débat…
  • être parfois dans le faux car nous amenons nos propres idées reçues. Il me semble qu’il faut être vigilant·e à nos propres représentations et à ce que l’on renvoie en tant que membre d’une équipe éducative ou à ce que renvoie l’institution.

Les besoins : 

Il est nécessaire d’être accompagné·e pour limiter ces écueils et étayer nos propos et il est également important d’avoir une équipe engagée et soutenue.

Le projet que je viens de vous présenter a été réalisé en toute humilité ;  nous ne sommes pas expert·e·s dans le domaine de l’égalité, ni spécialistes dans le théâtre. En suivant nos objectifs, nous avons avancé pas à pas, parfois reculé, remis en question certains points du projet ; nous avons surtout essayé d’intégrer les élèves à ces réflexions, de tendre vers une vision commune de l’égalité, en les accompagnant dans leur cheminement.”