Rédigé par Julie Douglas le 22 mars 2017.

En finir avec des toilettes séparées selon les sexes, pour que les personnes transgenre dès le plus jeune âge ne soient plus embarrassées au moment d’aller au toilette. En finir avec le fait de rappeler en permanence le sexe des élèves à l’école par le symbole des toilettes. Ce sont de vraies questions qui étaient prises en compte avant l’élection présidentielle aux Etats-Unis de 2016 mais dont l’issue tourne au fiasco depuis. Le sujet nous parait important parce qu’à L’institut EgaliGone, nous sommes engagé∙e∙s à réfléchir en termes d’accessibilité et d’égalité pour toute personne en tous lieux.

Aux États Unis, la visibilité des personnes transgenres est de plus en plus courante, en 2017 plus que jamais auparavant. Ils et elles ont évidemment toujours existé∙e∙s mais le climat de société n’était souvent pas favorable pour en parler et permettre une discussion ouverte et équilibrée. Des parents commencent à réellement écouter leurs enfants et leur point de vue – ils et elles s’informent et sont attentif∙ve∙s à repérer des signes ou des expressions concernant l’identité de genre de leurs enfants. Cet article est inspiré par le documentaire américain appelé « Gender Revolution » paru récemment sur le site internet du National Geographic Channel en février 2017.

Le Santee Education Complex Highschool, un lycée à Los Angeles, est le premier établissement en Amérique du Nord à ouvrir des toilettes inclusives dites « Gender-Neutral » ou toilettes mixtes. Il compte désormais quinze toilettes sans étiquette et ouvertes à toutes et à tous. L’idée est de créer un espace sécurisé et respectueux de tout le monde à l’école. Depuis longtemps, la communauté LGBTQI (Lesbiennes, Gays, Bisexuel∙le, Transgenre, Queer, Intersexe) a réclamé cette mesure et des toilettes publiques commencent à suivre le même mouvement représentant un pas en avant pour leur qualité de vie au quotidien. Depuis 2005, les US ont vu mettre en place des politiques incluant tous les genres. L’ancien président, Barack Obama, avait défendu des toilettes mixtes et il a promis une baisse de subventions pour les écoles qui ne se conformaient pas à la règle en mai 2016.

Le lycée Santee Education Complex est aussi le pionnier pour d’autres politiques au sein de son équipe pédagogique en proposant des formations régulières et la possibilité que tout∙e élève ayant besoin de changer son pronom personnel (il∙elle), son prénom ainsi que son accès aux installations puisse désormais être accompagné∙e. Bien sûr, ce type de décision est pris très au sérieux et la question de la légitimité de la demande est prise en compte par les professeur∙e∙s.

Conforme à l’idée de faciliter la vie et l’accès aux personnes à besoins spécifiques en fauteuil roulante ou autre, la vision de l’école en Amérique du nord est de créer un lieu comparable à la maison, où tous et toutes doivent se sentir à l’aise. Selon la cheffe de l’établissement Santee Education Complex, le souhait était de casser la rigidité autour les règles d’installation à l’école et de créer un lieu plus inclusif et confortable pour les jeunes transgenres. « Nous voudrions que nos élèves se sentent à l’aise à l’école. Ainsi, ils et elles peuvent profiter un maximum de leur éducation et suivre leurs rêves » dit-elle. En résumé, « Qu’ils soient davantage eux ou elles-mêmes, pas moins » (Traduction de : Be more of who they are, not less. »)

En comparaison, les toilettes en France sont parfois mixtes mais plus souvent très strictes sur l’usage séparé dans les lieux publics comme les gares, les écoles et les administrations. Il est certain que les toilettes non-mixtes renforcent et font appel à notre identité de genre, et quand on se trouve dans une catégorie qui sort du statu quo (homosexuel∙le, transgenre, bisexuel∙ le∙s, queer ou intersexe etc.) on peut être vite stigmatisé∙e. Pendant les débats autour du sujet en Amérique, les opposants mets en avant l’argument selon lequel des prédateurs sexuels pourraient profiter de l’ouverture des toilettes pour femmes pour les agresser. Dans les faits il est très rare qu’une telle situation se produise en milieu scolaire ou dans les lieux publiques.

Les statistiques des personnes transgenre aux États Unis sont surprenantes et nous n’en entendons pas toujours parler. On constate qu’il y a une personne transgenre sur 200 personnes, soit 0,6 % de la population totale. L’identité de genre se forme très tôt chez les enfants et le documentaire nous montre le témoignage de deux parents dont l’enfant de quatre ans ne s’identifie pas au sexe biologique qui lui avait été assigné à la naissance. Pour eux, le bonheur de leur enfant est la chose la plus importante. Avec l’élection de Donald Trump, les écoles vont-elles perdre leur souveraineté sur de telles décisions ?

Moins d’une semaine après la diffusion du documentaire, l’administration de Donald Trump ne s’attardait pas à expliquer qu’elle mettait fin à ce dispositif fédéral de protection des droits étudiants transgenres. Pendant la campagne, Trump avait pourtant déclaré qu’il entendait défendre les droits de la communauté LGBTQI, exprimant un volontarisme peu courant dans les rangs républicains. Or, une grande majorité des Etats est désormais gérée par les républicains, dont les projets sont conservateurs.

Et où en est, la France ? Nous n’abordons pas souvent la question des toilettes par le biais de la discrimination contre les personnes transgenres. Pour l’instant, aucune collectivité locale de l’Hexagone ne semble s’en occuper. Pourtant, les douches à la piscine sont manifestement mixtes dans plusieurs villes comme Lyon. Le sujet des toilettes et genre commencent à réellement faire l’objet des études et des discussions académiques, à l’instar d’une journée d’étude consacrée aux toilettes et genre qui se passait à Paris le 2 février 2017*. En conclusion, ce sujet dépasse celui de la mixité des toilettes et relève plutôt de la capacité de la société à prévenir  des besoins des personnes sans assigner des étiquettes sexuées. Il convient de souligner qu’Erving Goffmann a déjà traité ce sujet dans les années 70s et offre une analyse tout à fait pertinente aujourd’hui.

Pour en savoir plus:

Erving GOFFMANN, L’arrangement des sexes, 1977.

Vidéo sur le Toilettes : Battle Over Bathrooms, Gender Revolution avec Katie Couric : https://www.youtube.com/watch?v=U_uSRHedmSs&t=2s

Revue de National Geographic (Version anglaise) :

http://www.nationalgeographic.com/magazine/2017/01/

Journée d’étude « Corps et intimité des enfants et des jeunes dans les institutions éducatives », menée au sein du laboratoire interuniversitaire EXPERICE soutenue par la MSH Paris-Nord et l’université Paris 13-SPC. Lien : https://www.univ-paris13.fr/event/journee-etude-genre-toilettes/

 

Gilles PARIS dans Le Monde : « Trump relance la guerre des toilettes », paru le 23 février 2017 : 

http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/02/23/m-trump-relance-la-guerre-des-toilettes_5083985_3222.html