2014-06-04-Inauguration1Par Chloé Riban – Photos Thao Hoang

C’est le 24 mai que l’inauguration de cette exposition intitulée “Effets de la socialisation des filles et des garçons : l’exemple de la mise en danger de soi”, et réalisée par l’Institut EgaliGone, s’est tenue à l’école santé social du Sud-Est. Serge Hefez en a signé l’édito, ce dont nous lui sommes très reconnaissant·e·s, montrant ainsi l’intérêt de ses contenus pour ses champs disciplinaires que sont la psychiatrie et la psychanalyse. Plus de cinquante personnes issues principalement de milieux de l’éducation ont rejoint les trois expert·e·s et les membres d’EgaliGone ayant mis en place ce projet, pour une présentation et un débat.

Cette exposition met en scène l’un des aspects de la socialisation différenciée entre filles et garçons, celui de la prise de risque et de la santé. En effet, si la manière de prendre soin de soi semble à première vue extrêmement intime, comme l’a montré Emile Durkheim avec le suicide, il apparaît que l’histoire sociale des individus modèle également les comportements les plus intimes. C’est donc une acception globale de la santé, incluant le bien-être physique, mental et social que nous avons retenue à l’Institut EgaliGone pour mettre en avant l’importance des conditionnements genrés dans les comportements de mise en danger de soi à l’adolescence.

2014-06-04-Inauguration2Période charnière, l’adolescence constitue un moment particulier, notamment dans tout ce qui concerne le rapport au corps et la recherche de limites. Les prises de risque qui ponctuent l’adolescence sont déterminées par des mécanismes semblables mais prennent généralement des formes différentes selon que l’on est fille ou garçon. Favoriser la prise de conscience de ce conditionnement genré via cette exposition constitue pour EgaliGone, un moyen pour les adolescent·e·s de mieux comprendre la manière donc nous sommes déterminé·e·s mais aussi de mieux appréhender les marges qu’il appartient à chacun·e de s’approprier et d’explorer, pour aller vers davantage de libre arbitre.

Trois exemples de prise de risque sont mis en avant dans cette exposition : recherche de vitesse et mise en danger de soi sur la route notamment, consommation de substances psychotropes et addictions, et enfin, troubles du comportement alimentaire. Bien entendu, d’autres manières de se mettre en danger existent, mais il était impossible de les envisager toutes…

Un important travail de recherche a permis, dans un premier temps, de définir ces pathologies et comportements et de quantifier ces phénomènes en fonction du genre. Il est très rapidement apparu en effet que la prévalence des filles et des garçons dans ces manières de ce mettre en danger est très différente. Les expert·e·s que nous avons consulté·e·s, Muriel Salle (maîtresse de conférence à Lyon I, historienne), Marie-Axelle Granié (psychologue à l’IFSTTAR) et Yannis Gansel (psychiatre à l’hôpital femme-mère-enfant de Lyon et doctorant en anthropologie) nous ont aidé à décrire finement ces prises de risque. On les retrouve dans trois panneaux de l’exposition, qui détaillent ces phénomènes et avancent des chiffres, tirés d’études reconnues, sur le caractère genré de ces risques.

Nous avons ensuite travaillé sur le sens de ces pratiques et expliquons dans l’exposition comment ces comportements se recoupent sur le fond : quête de soi, recherche de limites, confrontation avec la mort, besoin d’éprouver la vie, de la contrôler, etc. sont autant de points communs à ces manières de se mettre en danger.

Ce sont les mécanismes de la socialisation différenciée qui expliquent que malgré des similitudes sur le fond, les prises de risque prennent des formes très différentes selon que l’on est fille ou garçon. L’exposition vise ainsi à montrer que les attentes sociales, en termes de virilité et de féminité, façonnent les comportements, les manières d’être, les rapports au corps : porté·e·s, nourri·e·s différemment, encouragé·e·s dans des domaines fort différents, les enfants comprennent que selon leur sexe, des manières d’être différentes sont attendues, même si ces attentes différenciées ne sont pas conscientes. Ainsi se construit l’incorporation des notions de sphères privée et publique, des oppositions nature/culture.

A l’adolescence, il apparaît finalement que les troubles du comportement alimentaire qui touchent en grande majorité les filles, s’expriment dans l’intimité et la solitude de la sphère privée, le corps, qui n’est autre qu’une représentation de la nature, étant l’enjeu premier de la prise de risque. Les garçons en revanche, à travers la consommation de substances psychotropes – même si les filles sont désormais en rattrapage sur ce type de comportement – et la prise de risque au volant ou au sport, se mettent en danger dans la sphère publique, souvent en groupe et « utilisent » des produits ou objets, fruit de la culture, pour défier la norme.

L’exposition qui permet de présenter ces différentes réflexions s’accompagne d’un guide d’accompagnement à destination des adultes qui font visiter des jeunes. L’exposition a été testée au lycée Récamier de Lyon, ce qui a permis d’affiner le contenu du guide de manière empirique. Il propose de nombreuses sources, permet d’approfondir certaines notions, d’apporter d’autres exemples, d’animer la visite, etc. Il est voué à évoluer, en fonction des besoins et des retours que nous feront les visiteurs·teuses et accompagnateurs·trices.

En effet, comme l’a expliqué Karine lors de l’inauguration, le test de l’exposition avec ses classes de lycée professionnel a montré que l’accompagnement des adolescent.e.s était nécessaire sur ce projet, afin de parler avec eux·elles des interrogations qu’elle soulève… et des réticences, car il y en a ! Les chiffres avancés, les mécanismes mis en avant, étudiés par des sociologues et des psychologues, les conclusions qui en découlent, invitant à repenser nos manières d’être et d’envisager notre libre arbitre peuvent effectivement heurter ou interroger les jeunes.

L’objectif est d’ailleurs bien de favoriser la réflexion, le questionnement et d’amener à la prise de conscience de la notion de socialisation différenciée en fonction du genre. Mais le risque n’est pas diabolisé : il fait partie de la vie et est positif lorsqu’il permet d’aller de l’avant et de se dépasser. L’exposition veille à mettre en avant des numéros vert afin que les jeunes qui auraient besoin d’aide puissent repartir avec des pistes et des ressources.

Comme l’ont souligné nos trois expert.e.s lors de l’inauguration, les réticences face aux explications qui déconstruisent les approches biologistes sont normales car cette manière d’envisager les individu·e·s vient bien souvent contredire la manière dont nous avons grandi et laisse entendre que l’on n’est pas maître de tous les éléments qui nous constituent et construisent nos vies. Il faut donc entendre et accepter les résistances et accompagner les jeunes dans leurs découvertes.

2014-06-04-Inauguration3Muriel Salle, Yannis Gansel et Marie-Axelle Granié ont à plusieurs reprises, dans leur participation au débat et dans leurs réponses aux questions de la salle, rappelé l’intérêt d’une approche par le genre des conduites à risque : les normes sociales façonnent en effet les comportements et si certains courants de la médecine sont parfois encore réticents face à ce type d’explications, force est de constater qu’elle gagnerait à prendre en compte d’autres types de données que les seuls éléments biologiques et physiologiques.

Les expert·e·s ont d’ailleurs insisté sur le fait que l’exposition propose d’envisager la socialisation traditionnelle des garçons également comme un désavantage : parce que les garçons sont encouragés, pour correspondre aux attentes en termes de virilité, à prendre des risques, ils sont moins protégés, notamment sur la route. Alors que bien souvent, c’est la socialisation des filles qui est pointée du doigt comme un frein pour les femmes, ce projet permet de questionner également la socialisation des garçons, globalement moins protégés dans leur enfance, ce qui peut permettre de poser la question différemment et de faire réagir les adolescent.e.s. Un lycéen s’est d’ailleurs étonné, positivement, de la place accordée dans l’exposition aux informations concernant les garçons…

Muriel Salle rappelle que la difficulté ne réside pas dans les choix individuels et dans les traits de personnalité de chacun·e, mais bien dans le fait que l’agrégation des comportements genrés fait système, un système reposant sur un rapport hiérarchique du masculin sur le féminin.

Les échanges autour de ce projet ont donc permis de mettre à jour les points saillants de la thématique et les différentes problématiques liées à sa présentation à des adolescent·e·s.

2014-06-04-Inauguration4Un moment convivial a permis de continuer les échanges autour d’un apéritif préparé pour nous par Manu et le beau temps a été au rendez-vous !

Bientôt, nous seront en mesure de partager une vidéo de cet évènement.
L’exposition est disponible à la location pour les lycées et toute structure éducation, animation ou santé prête à se lancer dans un projet d’accompagnement des jeunes ou des adultes dans l’exploration des thèmes de l’exposition. Le guide d’accompagnement est prévu à cet effet, ainsi qu’une prise en main avec la personne chargée de l’accompagnement.

Jusqu’au 11 juillet, l’exposition est en accès libre dans le hall de l’Ecole Santé Social du Sud-Est (métro Vaise, Lyon 9ème) et l’Institut EgaliGone assure des permanences sur l’exposition tous les mardis, de 17 à 18h, n’hésitez pas à venir nous voir !

Partenaires de l’exposition : la Fondation Orange, la Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité Rhône Alpes, la Région Rhône Alpes, l’Education Nationale Académie de Lyon, l’Ecole Santé Social du Sud-Est.

Contributrices·teur EgaliGone à l’évènement : Elise (organisation de l’inauguration), Chloé (contenus de l’exposition et intervention), Florence (accueil et mise en place), Thao (photos, vidéos, accueil et mise en place), Karine (test de l’exposition et témoignage), Caroline (guide d’accompagnement et intervention), Manu (apéro), Muriel (experte et intervention), Violaine (coordination, intervention).

Lien vers la vidéo de l’évènement

Lien vers le témoignage de Karine Bertrand