Un but à 2 points : émancipateur pour les filles ?
Voici une invitation au débat proposée par Loïc, étudiant à Lyon 2, joueur de handball et engagé pour l’égalité des sexes (on attend vos réactions et celles de celles et ceux de votre réseau, sportif ou non, qui pourraient nous donner aussi leur avis) :
« A peu près deux fois par an, le hand de Lyon 2 organise un tournoi mixte. La parité est recherchée dans les équipes, autant que faire se peut avec les différences de nombre – mais au moins, il doit y avoir autant d’hommes que de femmes dans chaque équipe. Dans les règles, un but marqué par une femme donne deux points. Ce qui peut être le résultat de deux constats :
– les femmes sont moins capables de marquer que les hommes
– sans cette aide, les hommes donneront moins aux femmes l’occasion de marquer et elles se retrouveront sans avoir la balle.
Même si j’ai du mal à croire que la réflexion aille jusqu’au point deux, il me semble que c’est objectivement le cas et dans un cadre d’amusement où l’enjeu est faible et où on fait tout ce qu’on peut pour marquer des buts à deux points, même parfois quand l’homme est mieux placé.
Deux autres interrogations me viennent :
A un moment, je passe entre deux joueur-se-s. Il y a un choc et une femme (je ne sais pas comment ça s’est fait) a en gros pris mon épaule dans la mâchoire. Là certains viennent me dire: “faut faire attention, c’est pas comme en match (là, ok), il y a des filles”. Et là encore, question. D’une manière générale, nous sommes plus grands et larges qu’elles même si c’est loin d’être toujours le cas. Certes. Mais ça ne revient pas à les considérer comme moins… je ne sais pas, j’ai pas l’impression qu’on me demanderait ça pour un homme plus petit (mais pour un enfant, peut-être).
Et enfin, l’interrogation concernant la mixité sportive. Vaut-il mieux d’abord travailler sur les mentalités pour que le sport soit plus valorisé chez les femmes qu’il ne l’est actuellement ou tenter de réaliser l’égalité dans un système où l’influence patriarcale est à mon avis très forte ? Surtout dans un sport comme le handball où les ballons n’ont pas la même taille ? (cela correspond objectivement à une taille de main en général supérieure pour les hommes). »
Voici déjà la réaction de Fabienne Gillonnier, Professeure Agrégée en Education Physique et Sportive au département STAPS à l’Université de Savoie (Aix-les-bains), dont les thèmes de recherche portent sur la mixité et l’EPS, le ski et le sexisme :
« Je ferai tout d’abord un commentaire sur les deux points pour les filles. J’ai toujours trouvé cela débile car contre la logique du jeu, frustrant pour les garçons et dégradant pour les filles (les pauvres ces handicapées… faut être gentil avec elles).
Si nous voulons être “gentil” entre nous… le fair play oui, arranger les choses oui mais passer la balle à une fille parce qu’elle vaut un point de plus ce n’est ni l’un ni l’autre.
Apprenons aux filles à jouer aux sports collectifs, organisons dans les cours d’école et en bas des immeubles des espaces pour les filles, là où seuls les garçons se retrouvent… Les sports collectifs sont les activités sportives les plus discriminantes qui soient car la contrainte de la victoire pousse le collectif à éviter les plus faibles qui ne peuvent pas assurer la marque et faire progresser le ballon. Les garçons les plus faibles pourront également témoigner du calvaire et de l’humiliation vécues dans les séances de sports collectifs… En tant que prof d’EPS le défi à relever est certainement de faire pratiquer tous les élèves, les filles tout autant que les garçons dans le cadre des séances d’EPS, en leur proposant des contextes d’apprentissage dans lesquels elles touchent autant de fois le ballon que les garçons. La question de la manipulation est primordiale, et celle de la lecture des trajectoires. Ce sont des apprentissages longs car ils nécessitent aussi l’interaction.
Pour ce qui est de la question des mentalités dans le sport… il y a du travail… des années… de la formation à la base… Penser avant tout le sport comme un espace de rencontres, d’échanges, de jeu et non comme celui d’une construction de l’hégémonie d’une nation sur une autre nation, d’un individu sur l’autre, du corps de l’homme sur le corps de l’homme moins fort et sur la corps de la femme… »