Un atelier égalité filles-garçons par les CEMEA
Jeudi 13 février 2014, les CEMEA Rhône-Alpes (Centres d’Entraînement Aux Méthodes d’Éducation Actives) ont proposé un atelier d’échanges et de débats autour du thème « Le genre : une question d’éducation »dans les locaux de la MIETE (Maison des Initiatives, de l’Engagement du Troc et de l’Échange).
Les CEMEA sont un mouvement d’éducation nouvelle, une association d’éducation populaire, et un organisme de formation professionnelle. L’objectif de cette soirée thématique était de réfléchir au rôle des acteurs·trices de l’éducation face au défi de l’égalité filles/garçons. Ces derniers·ères étaient invité·e·s à venir témoigner et partager leurs expériences. Nous étions 16 à participer à cet atelier en comptant les intervenant.e.s des CEMEA, 12 femmes et 4 hommes. L’atelier s’est déroulé en cinq étapes.
La première étape de la soirée nous a permis d’introduire le sujet du genre d’une manière générale. Nous avons été invité·e·s à produire des associations de mot à l’écrit sur une grande affiche où figuraient à gauche les mots « Femme » et « Filles » et à droite les mots « Hommes » et « Garçons ». Assis·e·s face à l’affiche dans le silence, nous nous sommes lever un·e par un·e pour y écrire à quoi nous faisaient penser les mots inscrits. Deux consignes ont structuré cette activité : les femmes devaient écrire en rouge, les hommes en vert et chacun·e était autorisé à n’exprimer qu’une seule idée à la fois (provoquant la nécessité de se lever plusieurs fois). L’objectif de cette dernière consigne était de donner une dynamique à l’activité en permettant aux un·e·s et aux autres de réagir (par écrit) aux idées qui se sont posées au fur et à mesure sur l’affiche.
La deuxième étape a consisté à indiquer la connotation positive ou négative que pouvait évoquer certains mots pour nous en ajoutant des signes « – » ou « + » à côté du mot. De la même manière que pour l’activité précédente, nous nous sommes levé·e·s chacun·e notre tour pour effectuer la tâche. La fin de cette étape a la partie silencieuse de l’atelier. Nous avons pu constater l’ensemble des mots, expressions et signes figurant sur l’affiche.
La troisième étape a servi à lever les ambiguïtés qui pouvaient exister à propos de certains mots, phrases ou expressions écrites sur l’affiche à la demande des personnes qui avaient des doutes.
Dans un quatrième temps nous avons exprimé nos commentaires et réactions à propos des écrits du groupe. Pour lancer la discussion, les animateur·rice·s des CEMEA ont proposé de repérer la présence éventuelle de clichés parmi les mots qui avaient été écrits. Voici un aperçu des sujets qui ont été abordés et des avis exprimés.
– La couleur bleue et de manière plus générale le renforcement des identités sexuées liées aux couleurs. Par extension, le problème du marketing sexué pour les enfants, qui occupe aujourd’hui une place trop grande, a été évoqué (vêtements et jouets). Un sujet qui a soulevé également la question de l’hyper sexualisation de la mode et des vêtements pour les filles de plus en plus jeunes notamment (chaussures à talons, sous-vêtement en dentelles uniquement)
– La différence de taille entre les femmes et les hommes. Deux constats ont été établis. D’un côté, effectivement, en moyenne les femmes sont plus petites que les hommes. D’un autre côté le dimorphisme des êtres humains (caractéristiquedecertains êtres vivantsd‘une mêmeespèceàpouvoirprendredeuxformesdistinctes) est changeant en fonction de l’époque et du lieu. Il n’y pas de raison particulière à ce que les femmes soient plus petite que les hommes du point de vue biologique et du point de vue de l’évolution de l’espèce humaine. Bien au contraire, que les femmes soient plus grandes que la moyenne actuelle serait bénéfique pour le développement des capacités cérébrales humaines et ferait diminuer les risques à l’accouchement.
– La distribution des responsabilités aux enfants. Les filles sont plus facilement sollicitées par les adultes et développent ainsi leur maturité. Cet exemple a soulevé le fait que les stéréotypes deviennent des réalités avec le temps et l’éducation. Assumer un certain nombre de responsabilité pour les filles et les femmes est un comportement qui peut également s’expliquer par un ancrage historique.
– Certains mots écrits sur l’affiche sont neutres : ex. « dialogue », qui soulignent les relations possibles entre hommes et femmes, loin de la seule opposition. Ceci a permis une discussion autour du mot « complémentarité » : le système de pensée n’est pas le même entre l’utilisation du mot « complémentarité » et celui d’« égalité ». La logique de la complémentarité est une pente glissante et laisse place aux relations de domination (ex. : la relation entre un esclave et son maître est complémentaire). Parler de complémentarité entre les hommes et les femmes implique l’essentialisation des attributs masculins et féminins.
– Un parallèle a été fait avec le racisme qui essentialise aussi les attributs (ex. : pour telle couleur de peau, telles qualités). Des constats qui ont posé la question suivante : comment travailler à l’égalité réelle si on est naturellement différent ? Le combat contre le racisme peut servir d’exemple dans le combat contre le sexisme et les stéréotypes. Les arguments sont identiques à l’encontre des changements impliqués par les luttes. Mais le parallèle est tout de même difficile à tenir car le sexisme traverse toute les populations et n’a donc pas le même poids.
– Souffre-t-on tou·te·s du sexisme ? Nous sommes assigné·e·s depuis la naissance à être un homme ou une femme et à se comporter comme tel·le. Cela ne cause pas forcément de souffrance à titre individuel (on se sent plus ou moins à l’aise dans son rôle) mais il existe beaucoup de proscriptions (vêtements, attitudes, émotions, langage…). En cas de mal-être, chacun·e peut développer diverses stratégies. Cependant aujourd’hui, la discrimination est un fonctionnement de la société, un système. Des groupes sont lésés par rapport à d’autres groupes, la notion de collectif est importante.
– Une réflexion sur la liberté vestimentaire des femmes aujourd’hui en France, qui n’existe pas pour les hommes. La hiérarchie des valeurs fait qu’il est dégradant pour un homme de s’habiller ou de se comporter de manière féminine alors qu’il est presque valorisant pour une femme de s’habiller ou se comporter de manière masculine. Témoignage qui rejoint ce problème : l’implication difficile d’un futur père dans la grossesse de sa compagne (qui pourrait être perçue comme la grossesse du couple). Il existe un poids des rôles sur les hommes comme sur les femmes, ce poids varie en fonction des cultures et des époques.
La cinquième et dernière étape a consisté à recentrer la discussion sur l’éducation, quel modèle les animateur·rice·s peuvent-ils·elles représenter ? Ce recentrement a été amené par une série de question auxquelles il fallait répondre grâce à l’ « abaque de Reigner ». Cet outil permet de donner son degré d’accord avec une affirmation à partir d’un code couleur (les possibilités de réponses sont les suivantes : complètement d’accord ; plutôt d’accord ; mitigé ; plutôt pas d’accord ; pas d’accord du tout ; pas concerné·e ; pas compris). Voici les affirmations qui ont été présentées (en italique) suivies de quelques réactions qu’elles ont suscité :
« Il existe des jeux de filles et des jeux de garçons ».
– La construction de la phrase était ambigüe. Il y a des jeux identifiés comme étant de garçons ou de filles par contre est-ce qu’il devrait y avoir des jeux de filles ou de garçons ? Dans l’animation, il faudrait inciter à jouer avec tous les jeux. Quand tous les jouets sont dans une même pièce les enfants jouent facilement avec tout.
– Attention dans les publicités à ne pas uniquement inverser les rôles, mais plutôt ouvrir les possibles.
« Il y a un intérêt naturel des garçons pour certains jeux et un intérêt naturel des filles pour certains jeux ».
– Si on donne un bâton à une fille et à un garçon, il et elle, ne vont pas jouer au même jeu avec, de façon naturelle.
– Effectivement, les jeux seront peut-être différents mais les schémas que les enfants intériorisent depuis l’enfance en sont la cause et ils résultent d’une construction sociale.
« Il existe des études et des métiers de filles et des études et des métiers de garçons ».
– Il ne s’agit pas de nature mais il existe aujourd’hui des filières d’étude et des métiers très peu mixte.
« En tant qu’acteur·rice éducatif, éducateur·rice, animateur·rice, parents, on s’adresse, on agit et on réagit de la même manière aux filles qu’aux garçons ».
– Je pense qu’on parle aux enfants de la même manière, en tout cas de manière équitable.
– Les ressentis sont différents selon si c’est une fille ou un garçon qui agit (ex. : l’agacement à cause du bruit). Si le ressenti est différent alors la réaction doit surement être différente aussi.
– Lorsqu’un·e adulte soigne une blessure, d’une manière générale il·elle est plus préoccupé·e pour une fille que pour un garçon. Le soin par un animateur est plus humoristique et détaché tandis que celui d’une animatrice est plus dans le lien et le care.
– Est-ce qu’on accompagne de la même façon les filles et les garçons dans leurs réussites et leur éducation ? Exemple des commentaires sur les bulletins scolaires. Evocation de la « menace du stéréotype » : un même exercice selon s’il est présenté comme un exercice de géométrie ou de dessin n’entrainera pas le même taux de réussite pour les filles ayant intégré le stéréotype d’être moins douées pour les mathématiques (même en cas de désaccord).
« Les livres scolaires véhiculent aujourd’hui des stéréotypes sexiste ».
– Des petits progrès dans les livres d’histoire concernant la place qu’y occupent les femmes.
– Question des modèles dans la littérature jeunesse qui se pose.
– Présentation d’une étude des CEMEA sur les livres scolaires utilisés en Belgique en 2011. Des stéréotypes sont présents dans tous les livres surtout ceux des matières scientifiques. La discussion a soulevé aussi la place du langage dans les stéréotypes (ex. : utilisation de surnoms « mon gaillard », « ma poupée »).
– Présentation d’une étude dans laquelle un même personnage est présenté sous forme d’image à des enfants dans des situations différentes (ex. plusieurs pièces de la maison) et avec des accessoires différents (ex. journal, chiffons…). Les enfants sont tou·te·s capables de « reconnaître » un homme ou une femme selon les situations et les accessoires. Cela montre le niveau d’intégration et d’appropriation des stéréotypes chez les enfants.
– L’idéal serait de pouvoir proposer une palette de comportements aux enfants sans que ces comportements soient connotés comme étant masculins ou féminins.
Enfin, hors des étapes prévues, la discussion s’est orientée vers un problème qui se pose dans l’animation d’activités : quel·le animateur·rice anime quelles activités ? En effet, l’effet de modèle des équipes éducatives est important. Ce rôle est à concilier avec les aspirations et les motivations personnelles de chaque animateur·rice pour l’animation de telle ou telle activité. Pour faciliter les choses, il sera préférable de passer par un projet pédagogique d’équipe ou de structure qui servirait de cadre. Le problème ne se pose pas uniquement en termes de motivation ou d’aspiration mais aussi en termes de formation, cette dernière pouvant pallier une insuffisance dans les deux premières.
Conclusion
Dans le groupe de l’atelier de ce soir-là, nous étions tou·te·s plus ou moins sensibilisé·e·s au sujet. Pour sortir de cette tranquillité d’entre soi, un animateur nous a invité·e·s à venir participer aux interventions des CEMEA dans les écoles, collèges, lycées ou durant les stages BAFA pour pouvoir constater les réponses (généralement beaucoup plus teintées de stéréotypes) données dans des ateliers identiques à celui-ci.
Le groupe Genre des CEMEA travaille à former les futur·e·s animateur·rice·s BAFA sur ces questions et travaille également sur leur propre fonctionnement.