“Que peuvent l’histoire et la sociologie ?” : c’est la question à laquelle Bernard Lahire, sociologue, et Pascal Ory, historien, ont tenté de répondre samedi 6 mars dernier à la fête du livre de Bron. Assez rapidement, après avoir évoqué l’apport possible de l’histoire et de la sociologie pour appréhender notre époque et les derniers événements, en particulier les attentats 2015, les intervenants ont pris l’exemple des questions de genre qui ont traversé la société, sous la forme de débats, de programmes scolaires ou de manifestations diverses, pour interroger l’apport des sciences sociales. Si l’histoire est enseignée aux enfants très tôt, il n’en est rien pour la sociologie, alors que de l’avis de Bernard Lahire comme d’une enseignante de classe élémentaire qui a pris la parole dans la salle, les enseignant·e·s manquent de méthode aujourd’hui alors que les enfants sont capables très tôt de faire leurs premiers pas en sociologie, grâce à une démarche d’entretien par exemple. Rencontrer l’autre, le ou la questionner sans jugement, saisir son histoire et ses choix dans son contexte, recueillir son propos…  et comprendre assez tôt, grâce à une approche d’un terrain d’observation, comment des situations peuvent conduire à tel ou tel comportement : voilà qui pourrait être grandement utile dans l’éducation ! Bernard Lahire défend l’idée que dès le CM1 / CM2, cette démarche est possible, comme l’observation de la répartition et des comportements des filles et des garçons dans la cour de l’école. Alors il évoque l’idée de proposer des manuels scolaires aux enseignant·e·s, histoire de les équiper, de les mettre à l’aise avec des méthodes. Les questions de genre ont en effet été “caricaturées” selon Bernard Lahire, alors même que “les filles et les garçons sont éduqués différemment” : si cette constatation était le fruit d’un apprentissage, on éviterait de “laisser les gens naïfs”. Car “les gens attendent finalement très tardivement l’occasion de faire un peu d’analyse et de compréhension sociale.”

Fête du livre de Bron, mars 2016
Fête du livre de Bron, mars 2016
 Quant à Pascal Ory, il a insisté sur le fait que “la question du genre ne doit pas être remisée à la périphérie.” L’ampleur des manifestations a en effet montré qu’il s’agit d’une “question fondamentale”, qui est donc à travailler au sein de la société.

Tous deux étaient également d’accord sur l’importance, en matière éducative, de faire confiance à des initiatives locales, plutôt que d’attendre de l’Etat des réformes et des consignes. L’édition d’un manuel initié/proposé par des sociologues irait tout à fait dans ce sens : proposer des outils, des méthodes, à des enseignant·e·s qui ont à coeur de proposer à leurs élèves de ne pas rester naïfs, en ayant des clés de connaissance, d’analyse et de compréhension de la société dans laquelle ils et elles évoluent. Et pour ce faire, l’empathie que permet l’entretien présente une belle option.

 

2016-03-Fête du livre Bron

Le dernier ouvrage de Bernard Lahire s’intitule “Pour la sociologie”, La Découverte, 2016.

Violaine Dutrop