Victor Breton, professeur d’histoire-géo dans l’Ain, a travaillé il y a quelques semaines avec ses élèves de 3ème sur l’aménagement du territoire, et nous fait l’honneur de partager le résultat ici. La réalisation et le partage du diagnostic, c’est le début de la bonne pratique !

“Nous avons observé la cour de récréation et l’appropriation de certains territoires par différents groupes d’élèves. Les inégalités de genre sont flagrantes. J’ai préparé ce travail à partir de différents articles de géographes, il n’y a donc rien de nouveau là dedans mais nous avons écrit un petit rapport avec les élèves.” Victor Breton


Rapport des 3ème B et des 3ème D sur l’utilisation de la cour de récréation par les élèves du collège Le grand cèdre, à Coligny dans l’Ain, printemps 2024 :

Dans le cadre d’un cours sur l’aménagement du territoire, les classes de 3B et 3D ont cartographié les différents territoires qu’ils observent dans la cour du collège. Après discussions, il en ressort que cet espace est traversé par de nombreuses inégalités entre les élèves en fonction de leur âge, de leur sexe ou de leur popularité.
D’abord, dans ce que les élèves appellent le préau, chaque niveau dispose d’un territoire bien strict, devant les porte-cartables. La séparation entre les groupes est nette, aucun mélange ou presque ne se fait. Les élèves de 3e ont toutefois un territoire plus important dans ce préau et s’approprient notamment les toilettes. Ce dernier espace est particulièrement privilégié car à l’abri des intempéries et surtout des regards (dont ceux des surveillants). Toujours dans le territoire des 3e dans le préau, les garçons occupent un espace central, à la vue de tous. Les filles sont généralement relayées dans les marges de ce territoire.
Dans le reste de la cour, les tables de ping-pong sont la propriété exclusive des garçons de 6e, parfois de 5e. Presque aucune fille n’y est admise et les rares garçons plus âgés qui s’y aventurent sont moqués par leurs congénères.
La cour du bas est un espace peu prisé par les élèves « dominants ». Elle est donc occupée par les garçons de 6e et 5e mais aussi par les filles de 3e ou 4e qui peuvent alors se positionner sur les bancs ou murets. Les plus jeunes devant leur laisser la place.
Dans la cour du haut, les garçons sont très visibles, ils s’adonnent à des activités physiques (ping pong, bagarres amicales, se courir après…). Les filles de 6e et 5e sont postées sur les marges de la cour, principalement devant la vie scolaire. Elles sont calmes, discutent et ne bougent presque pas. Fait intéressant : il se trouve que plus les filles sont âgées, plus elles osent prendre de l’espace et s’agiter, mais subissent tout de même un contrôle social par le regard ou la parole, y compris des plus jeunes.
➔ Il apparait donc que dans la cour du collège de Coligny, les espaces les plus confortables (bancs, toilettes, espaces visibles) sont réservés aux 3e et 4e et notamment aux élèves les plus populaires. Les autres occupent les espaces qui ne sont pas appropriés par les dominants. Une fille témoigne : « nous prenons la place qui reste ». Les infrastructures sportives et les activités physiques sont exclusivement l’apanage des garçons. Après sondage anonyme, une écrasante majorité d’élèves des classes de 3B et 3D, pourtant considérés comme dominants, ne se sentent pas libres de faire ce qu’ils veulent dans la cour.
➔ Cette inégale répartition des groupes dans l’espace n’est pas une fatalité. Aucune règle biologique ne vient dicter ces comportements, tout n’est que construction. Et toute construction peut se déconstruire. Un autre aménagement de la cour est possible pour redonner de la place aux élèves marginalisés, aux activités calmes et pour rendre la cour plus agréable à toutes et à tous. Il reste à trouver cet aménagement.