« Pas aux filles/pas aux garçons », un spectacle du Théâtre du Grabuge
A l’occasion de la Quinzaine de l’égalité 2013, j’ai assisté à « Pas aux filles/pas aux garçons », un spectacle du Théâtre du Grabuge. Il a été conçu par Géraldine Bénichou avec Leila Anis (auteure et comédienne), Sylvain Bolle-Reddat (auteur et comédien), Slimane Bounia (vidéaste) et Elise Vinet (maîtresse de conférence en psychologie sociale).
Avant la présentation du spectacle Géraldine Bénichou nous explique la démarche générale. Un an plus tôt, plusieurs groupes de personnes ont participé à un atelier d’écriture autour du thème « je suis un homme/une femme » en partenariat avec des associations (Atelier ZIG ZAG, Amicale du Nid) et des étudiants (UCPA et Université Lyon 2). Il s’agissait de produire un texte relativement court rapportant une expérience vécue, durant laquelle l’appartenance à un groupe de sexe a joué un rôle important, en respectant certaines contraintes. Le texte devait être rédigé à la deuxième personne, il devait inclure des éléments concernant le lieu où s’est déroulée l’expérience, les sensations à ce moment-là (liées à l’odorat, au toucher, à la vue, au goût ou bien à l’ouïe) et les pensées qui ont été soulevées. Ces ateliers d’écriture qui se sont déroulés sur plusieurs séances ont été accompagnés par un éclairage scientifique lors d’une intervention d’Elise Vinet auprès des participant·e·s. Ces séances ainsi que l’intervention scientifique ont soulevé leurs lots de questions en termes d’identité d’homme ou de femme mais peut-être de manière plus marquée encore, concernant les cadres qui régissent ces identités. Après avoir rédigé leur texte, les participant·e·s ont été amené·e·s à le partager devant la caméra.
Le spectacle en lui-même a été très dense, mêlant théâtre, sciences humaines et projection des récits intimes produits lors des ateliers, ainsi que des vidéos sur les interdits aux filles et aux garçons.
Les deux comédien·ne·s, qui ont animé les ateliers, ont rejoué sur scène le déroulement de ces ateliers, illustrant ainsi la chronologie des événements et les difficultés auxquelles ils et elles ont été confronté·e·s en tant qu’animateur·trice mais aussi les difficultés rencontrées par les participant·e·s. Plusieurs scènes ont ainsi ponctué le spectacle allant de la conception des ateliers jusqu’au tournage avec les participant·e·s, en passant par les questionnements importants qui ont été amenés par l’écriture.
Le spectacle a également été ponctué par un discours scientifique, réécrit sous forme de scène, et porté par Elise Vinet. Il s’agissait d’expliquer ce qu’est un stéréotype, son utilité sociale, sa capacité à enclaver nos pensées, les conséquences quotidiennes dans la vie des femmes et des hommes et finalement comment s’en émanciper. La mise en scène de ce discours était très illustrative du processus des stéréotypes en passant par le stéréotype du scientifique. En effet, dans un premier temps, Elise Vinet se présente avec les attributs généralement perçus chez un scientifique : un homme âgé avec des cheveux blancs et avec une blouse blanche. C’est vers la fin de la pièce, lors d’une scène concernant l’émancipation qu’elle finit par se défaire de ces stéréotypes pour se présenter sous sa véritable apparence.
Les discussions qui ont suivi le spectacle ont été très intéressantes. Plusieurs participant·e·s aux ateliers d’écriture étaient présents et ont pu témoigner des questionnements personnels qui ont émergé par la suite. Il semblait que toutes et tous ont été profondément affecté.e.s, de diverses façons, par cette expérience et qu’ils et elles étaient maintenant à l’écoute des réflexions sur le genre et les rôles sexués. Le fait de participer activement à un projet se centrant sur ces thématiques, à partir d’un vécu personnel, et d’avoir ensuite un retour mis en scène paraît donc être très efficace pour aborder les questionnements autour du genre sans crispations.