Rimbaud dans un lycée de Mâcon
Par Sasha Monneron
L’association Rimbaud est intervenue au Lycée Lamartine à Mâcon dans le cadre d’un atelier de prévention contre l’homophobie. Cette session a été co-animée par Fanny, bénévole à Rimbaud, et Sasha, en service civique à EgaliGone et bénévole également à Rimbaud.
Lundi 20 avril. 7h15. Nous arrivons à la gare de Macon. Après quinze minutes de marche, nous trouvons le lycée Lamartine ; c’est la semaine de prévention et de formation à la citoyenneté, nous croisons des intervenants pour de la prévention en sécurité routière ou encore la Ligue de l’Enseignement qui va intervenir sur les discriminations. Nous nous dirigeons vers notre salle pour commencer notre atelier de prévention contre l’homophobie. C’est parti pour une journée complète avec trois sessions de deux heures.
La première classe est plutôt dynamique et a envie de participer. On commence par présenter notre association. « Rimbaud est une association lyonnaise qui propose des permanences pour accueillir les jeunes qui sont en questionnement par rapport à leur genre ou à leur orientation sexuelle. On fait aussi des permanences virtuelles par Skype, par écrit, pour celles et ceux qui ne peuvent pas se déplacer. Vous aurez toutes nos coordonnées sur nos flyers. » Puis on continue ; on amène les jeunes à réfléchir à la définition de « discrimination » et plus précisément de l’homophobie. Y a-t-il des discriminations plus graves que les autres ? Toutes sortes de réponses nous sont faites. « Oui le racisme ! Non plutôt la xénophobie parce que ça touche un plus grand nombre de personnes. Mais non, elles sont toutes aussi grave !». Nous, on ne fait qu’encourager le débat, sans donner tort ou raison à quelqu’un-e, on cherche avant tout à libérer la parole.
Ensuite c’est le moment du clip vidéo, « Omar » réalisé par l’INPES et le ministère de la santé et des sports. On y retrouve Omar, un jeune vivant dans un quartier de banlieue, qui cache son homosexualité, mais qui se fait découvrir malgré lui. Il est alors confronté à la réaction violente de sa famille et de ses amis. On interroge les élèves sur leur ressenti après la vision de ce clip. Qu’est-ce qui les interpelle ? Comment se manifestent les attitudes homophobes ? Pourrait-il se passer la même chose à la campagne ou dans un quartier différent ? Quel est le ressenti de Omar d’après elles-eux ? Voir deux garçons s’embrasser, ça les dérange… Serait-ce pareil si cela avait été des filles ? « Non, ça choque moins, c’est pas pareil » « Ah ? Mais pourquoi ? » « Ben je sais pas mais c’est pas pareil, une fille c’est plus tendre donc ça choque moins». On saute sur l’occasion pour enchainer avec le jeu des stéréotypes. Dans un tableau à deux colonnes, on leur demande de donner toutes les caractéristiques qu’ils-elles associent à un homosexuel (efféminé, qui parle avec des manières, qui a une voix plus aiguë, qui fait plus attention à lui, souvent coiffeur ou styliste…), et à une homosexuelle (cheveux courts, qui boit de la bière, déménageuse, avec un sarouel et un sweat à capuche…), bien qu’il ait fallu creuser un peu car la réaction première dans les trois classes a été « Ben pour les filles y’en a pas, ça se voit pas forcément ».
C’est à travers ce jeu-là que l’on comprend à quel point homophobie et sexisme sont reliés, à quel point ce qui dérange dans l’homosexualité c’est la subversion des normes de genre. Les caractéristiques et la complémentarité de la masculinité et de la féminité sont remises en cause. D’après les codes de la masculinité, les garçons doivent être virils, et ne doivent pas être affectueux ou tactiles au risque d’apparaître faibles. Ils sont réputés très actifs sexuellement. A l’inverse, les codes de la féminité rendent acceptable le fait pour deux filles d’être tendres et proches physiquement. Leur sexualité serait passive voire inexistante sans les hommes, et elles auraient moins d’appétit sexuel. L’analyse des stéréotypes de genre nous donne alors des pistes pour comprendre pourquoi deux garçons qui s’embrassent provoquent des réactions de rejet qui s’expriment de manière souvent forte et violente ; alors qu’en présence de deux filles, on peut voir des réactions basées sur la moquerie ou la drague, l’homme proposant par exemple de s’immiscer entre les deux, attitude qui reste toute aussi grave et dégradante que des insultes ouvertes et directes.
Résultat très positif de cette journée d’intervention, de bons échanges, des élèves intéressé-e-s, des évaluations très positives. Dans l’ensemble les élèves ont été très politiquement corrects, nous n’avons pas entendu de propos particulièrement forts. Un petit papier nous demande même ingénument « pourquoi y a-t-il des gens qui n’aiment pas les homosexuels ?». Pourtant les évaluations montrent que pour une minorité silencieuse « l’homosexualité est encore quelque chose qui me dérange ». A nous de repenser, une nouvelle fois, nos interventions. Notre but n’étant pas de faire changer les gens d’avis, nous ne pourrions tout simplement pas y parvenir en une séance de deux heures, mais bien de libérer la parole, d’amener les élèves à se confronter, à débattre, à développer et consolider leur esprit critique. Sur un sujet complexe, tabou, et surmédiatisé tel que l’homosexualité, nous tentons de proposer aux jeunes un espace afin qu’ils-elles puissent poser leurs questions et s’exprimer.