A propos des élections législatives post-dissolution, communiqué EgaliGone du 19 juin 2024

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Depuis 2010, L’institut EgaliGone, dont le slogan est “fille ou garçon, des stéréotypes en moins, des choix en plus”, défend notre devise républicaine. A partir des savoirs en sciences humaines et sociales, nous encourageons le monde éducatif à interroger les normes de genre, et à éviter, dans ses pratiques, la reproduction des inégalités et des discriminations.

A l’échelle de l’association, nous n’avons pas une culture de la revendication, de la manifestation. Mais aujourd’hui, c’est un devoir pour nous de prendre la parole.

Bien que l’égalité entre les femmes et les hommes soit un principe constitutionnel en France, que la plupart des discriminations soient sanctionnables devant la justice et que nous vivions en démocratie, nos droits sont extrêmement fragiles. Ils peuvent soudain s’effondrer. Ils nécessitent d’être défendus avec force, de toutes les manières et à tous les instants. 

Il nous paraît impensable de renoncer à ce régime précieux, où l’expression est possible, la presse libre, le vote protégé, où l’on cherche à s’entendre, à construire en commun, où l’on dit ses désaccords, même au sein d’un parti, où l’on peut se présenter aux élections, où l’état de droit est protecteur pour chacun·e, où toute personne, même hors de la norme blanche hétéro chrétienne masculine cis, a des chances de faire valoir son existence, ses choix de vie, ses libertés, ses droits. C’est certain, rien n’est parfait dans notre système actuel et des populations sont assurément laissées pour compte ou stigmatisées et malmenées. Sans doute que nous n’investissons pas assez la vie démocratique, alors que nous avons toutes et tous un rôle à jouer, dans le système actuel, pour soutenir ces populations dans la défense de leurs droits et de leur vie. Car voter ne suffit pas à faire entendre sa voix, ni à obtenir la tenue des promesses. Mais ce serait bien pire avec l’extrême droite au pouvoir.

Dimanche 9 juin, nous avons déduit avec effroi que 7 français·es majeur·es sur 10 (les abstentionnistes + les votant·es extrême droite) semblent d’accord pour qu’un parti qui promeut des idées racistes, sexistes, homophobes, transphobes et autoritaires soit aux manettes en Europe et potentiellement en France. Le RN divise la population entre les “bons Français” et les autres. En accusant certaines populations d’être la cause de nos maux, le RN entend les déclasser, les priver de leurs droits ou les écarter de notre territoire. Le RN promeut un schéma patriarcal qui infériorise les femmes et les prive de leurs droits et libertés. Ce n’est pas l’avenir dans lequel nous souhaitons projeter nos enfants. Certes, aucun des autres partis n’est parfait, ni les humain·es qui les composent. Mais non, on ne peut pas dire qu’on n’a jamais essayé l’extrême droite. Nous avons tous et toutes pu en parler avec des grands-parents qui l’ont approchée. Nous savons. C’est dans nos cours d’histoire, dans nos récits familiaux, et même aujourd’hui ailleurs en Europe : la petite musique des femmes à la maison, des hommes au travail, les enfants sous “l’autorité” du père, et les femmes aussi tant qu’à faire. Ici ou là, aujourd’hui, l’extrême droite agit déjà sans avoir le pouvoir, en harcelant des féministes sur des réseaux sociaux, en commettant des agressions racistes ou homophobes.

Comme beaucoup d’universités et de collectifs qui dispensent des savoirs en sciences humaines et sociales et mènent des actions pour l’émancipation de tou·tes, nous avons expérimenté de près la haine sexiste et homophobe, lors de la manif pour tous et des ABCD de l’égalité en 2013. Nous avons même fait l’objet, après des menaces et des mensonges en ligne, d’une agression sans précédent, avec nos publics petite enfance, lors d’un événement universitaire que nous organisions, par un groupe d’hommes dont certains représentaient l’extrême droite aux élections municipales. A l’époque, nous avons décidé de ne pas en faire un plat, de ne pas informer la presse. Nous avons eu peur, et c’était leur but. Vivre dans la peur, avoir peur pour ses enfants, peur du fait de qui on est : nous avons expérimenté cela. Imaginer avoir une police aux ordres de ces idées-là, c’est insupportable.

Ces idées progressent à travers des mouvements qui refusent l’IVG comme l’éducation à la vie affective et sexuelle à l’école et qui répandent des peurs sur la transmission d’informations émancipatrices. Les partisan·es de l’extrême droite refusent de lutter contre les violences faites aux femmes et aux enfants, d’interroger la construction des masculinités, de rendre possible la projection de chaque enfant dans toutes les activités humaines. En prônant “l’ordre” et “l’autorité”, ils défendent une idée conservatrice et patriarcale de la famille. Ils s’opposent au développement des études en sciences humaines et sociales et disqualifient les savoirs sur le genre, les discriminations, les inégalités, le post-colonialisme, etc. En gagnant du terrain, ils rendent possible la hausse des agressions envers les populations qu’ils stigmatisent.

Nous appelons donc à un réveil républicain et à la défense de notre démocratie

  • Coûte que coûte, aller voter les 30 juin et 7 juillet, en personne ou via une procuration faite auprès d’une personne de confiance ou du parti/mouvement politique choisi.
  • Bien s’informer sur les programmes, les idées derrière les programmes, la capacité des différentes étiquettes à défendre notre démocratie, la pluralité des idées, la liberté de la presse, nos principes républicains, les droits des plus vulnérables, une politique anti-discriminations, un accès égal de tous et toutes à tous les possibles, un avenir où chacun·e de nous et de nos enfants soit considéré·e comme digne de respect.
  • Voter contre l’extrême droite, donc voter pour le parti/mouvement démocrate qui a une chance d’aller au deuxième tour (il faut obtenir 12,5% des inscrit·es pour en être) dans sa circonscription.
  • Tenter de convaincre toute personne de son entourage de faire de même
  • S’associer d’une façon ou d’une autre aux mobilisations en cours

Fort·es de notre pratique du partage de ressources pour réfléchir à tous les sujets qui demandent le temps de penser avant d’agir, nous recommandons les contenus suivants : 


“La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité mais la protection de la minorité” 

Albert Camus, Carnets III, mars 1951 – décembre 1959