Fille et garçons, vivre ensemble

Animation au Parc de la Feyssine : la Maison Sociale Cyprian les Brosses dans son stand « Filles, Garçons, vivre ensemble ».

Le mercredi 13 juillet 2016 une animation au parc de la Feyssine était organisée par le service Enfance de la ville de Villeurbanne : «  Dans le cadre de la coordination enfance lancée, cette année, avec l’ensemble des acteurs de loisirs extrascolaires du territoire, une journée a été organisée autour de la question de la différence et de la tolérance » (extrait Le progrès, 14 juillet 2016), avec un ensemble de structures d’accueil de loisirs.  Durant cet événement pédagogique, les structures socio-culturelles de Villeurbanne se rencontraient autour de stands à thèmes qui ont accueilli environ 200 enfants. Le stand tenu par la maison Sociale Cyprian les Brosses portait sur le vivre ensemble, pour apporter un nouveau regard aux enfants à propos des stéréotypes de genre. L’affiche de présentation du stand portait le titre de « Filles, Garçons, vivre ensemble » avec des petits dessins (fleurs, voitures). Cette animation a été conçue en collaboration avec Barbara Perazzo, de L’institut EgaliGone. Gaëlle Guyomard, volontaire en service civique à EgaliGone, a assisté à cette journée.

Le descriptif qui va suivre provient de notes prises sur le terrain ; il y a des observations et parfois des citations. Ce compte rendu est partagé à titre indicatif, pour montrer une action possible afin de faire prendre conscience aux plus jeunes des stéréotypes existants et d’en limiter les conséquences.

Au total 6 groupes, soit une soixantaine d’enfants, ont entendu et abordé la question des différences de genre et de la tolérance. Dans chacun des groupes il y a toujours au moins un ou une enfant pour affirmer que tel sujet (couleur, sport, pratique…) est aussi bien pour les filles que pour les garçons, que tou·te·s peuvent faire les mêmes choses. Le stand a beaucoup plu aux enfants, qui ont vraiment participé.

Le matin, une dizaine d’enfants par groupe, âgés de 8 à 12 ans, étaient invité·e·s à s’installer pour découvrir la saynète jouée par un binôme composé d’un animateur et d’une animatrice, abordant le choix d’un casque de vélo aux couleurs stéréotypées. En effet, une mère de famille vient avec son enfant (garçon – sélectionné dans le public) dans une « célèbre enseigne de sport » pour choisir un casque de vélo car le lendemain une sortie sportive est prévue à l’école. Elle insiste sur le critère sécurité. Le vendeur présente 2 modèles, l’un noir, classique, et l’autre rose à fleurs. L’enfant (complice) choisit le rose, le vendeur essaie de l’en dissuader en insistant pour savoir s’il est bien sûr de lui. L’enfant repart avec son casque rose et le débat est lancé : «  Avez-vous trouvé quelque chose de bizarre dans ce que vous avez vu ? »

Dès qu’une affirmation est lancée par un·e enfant, ses camarades sont invité·e·s à s’asseoir de tel côté si « d’accord », de l’autre si « pas d’accord » et à rester dans la rivière du doute si « non décidé·e », mais « pas trop longtemps pour ne pas s’y noyer »… Il est aussi explicitement dit qu’ils ou elles peuvent changer de côté sans problème au fur et à mesure des échanges. À chaque fois qu’un·e enfant souhaite s’exprimer, il ou elle se place au milieu de la scène.

Les discussions semblent plus variées avec des enfants qui ont l’habitude de participer à des activités culturelles. Les discussions portent sur les couleurs « pour » les filles ou les garçons, les différentes disciplines de sports. Ils et elles ont conscience que les filles et garçons sont regroupé-e-s en équipes non mixtes, (Foot, Athlétisme, Tennis…) et que les petits garçons sont plus facilement moqués s’ils portent du rose, réservé habituellement aux filles, qu’une fille portant une couleur réservée aux garçons. En conclusion unanime, les enfants partiront du stand avec l’idée que tous, filles et garçons ont le droit de porter du rose mais surtout toutes les couleurs et de participer à n’importe qu’elle discipline sportive.

Un autre groupe arrive, et une enfant relève dès son arrivée qu’il y a des cœurs sur les affiches « garçons », elle est surprise… Les filles sont assises d’un côté, les garçons de l’autre.

Une fois la saynète jouée, un petit garçon intervient pour affirmer qu’il n’aime pas le rose, mais il n’arrive pas à expliquer pourquoi. Il reviendra toutefois à la charge plus tard, pour signaler qu’il peut aimer les T-shirts rose : on pourrait s’interroger sur le poids du groupe, dans une certaine mesure à quel point les réponses sont influencées dans ces moments d’expression publics. Le violet est également une couleur sujette à moqueries lorsqu’elle est portée par un garçon ; des expériences personnelles sont citées… Les enfants sont particulièrement loquaces et clairvoyant·e·s sur le sujet, comprennent très bien les pressions sociales en jeu.

« La Gymnastique est pour tout le monde alors que la corde à sauter c’est pour les filles », affirme un enfant, quand on leur dit qu’à la Boxe les garçons aussi font de la corde à sauter, un silence prudent s’installe… L’animatrice signale aussi que, par exemple, les tenues de foot du Real Madrid ont des bandes de couleur rose et que personne ne se moque : les enfants écoutent intrigué·e·s.

C’est au tour du groupe suivant, les enfants s’assoient ensemble, en mixité. C’est une fille cette fois-ci qui choisira un casque, de couleur « noire », ici l’aspect genré a été plus difficilement décodé, mais le débat a quand même pu s’ouvrir sur les couleurs… et le même constat sur la tolérance accordée aux filles à propos des couleurs par rapport aux garçons quand ils choisissent du rose.

L’Après-midi le couple d’animation du stand change et la saynète aussi : cette fois-ci il s’agit d’un père et de ses enfants (une fille, un garçon) faisant du vélo. La fille déraille, le signale à son père qui appelle tout de suite le frère pour le réparer, la fille lui dit qu’elle ne veut pas, elle sait changer sa chaîne, elle a appris, mais le père n’écoute pas. Le débat sera lancé ainsi : « Est-ce que vous pensez que réparer une chaîne de vélo c’est que pour les garçons ? »

Les réactions porteront essentiellement autour des compétences physiques : « les filles sont pas assez fortes ». On leur demande aussi, s’ils et elles ont déjà vu des filles dans un magasin de bricolage ; un enfant répond : « aux caisses »…

Un enfant intervient pour dire que sa mère fait de la boxe et un autre affirme que des femmes qui font de la boxe on n’en voit pas, « comme on en voit moins c’est un sport de garçons » ! Cette dernière affirmation est intéressante, car elle met l’accent sur les conséquences de la médiatisation des sports (et autres pratiques), et l’importance accordée à ce qui est « vu », l’exemplarité.

Le T-shirt rose est abordé de nouveau, un garçon s’exclame  « c’est la honte !». Entre deux groupes d’enfants, des craintes sont exprimées par l’équipe d’animation sur la possibilité de transmettre ses propres stéréotypes : comment l’éviter ? Elle va finalement opter pour la possibilité de poser des questions, de relancer, de rebondir sur ce qui est dit pour pousser à aller toujours un peu plus loin.

Les Disney sont aussi évoqués : tou·te·s les enfants ont en vus et pourtant les coloriages de princesses sont évités par les garçons. Cet argument sera entendu et fera réfléchir quelques enfants.

Un nouveau groupe d’enfants arrivent, à nouveau les filles sont regroupées dans un coin et les garçons dans un autre, assis respectivement dans une partie de l’espace différente. L’affiche du stand fait réagir un enfant : « vivre ensemble, ah non ! ». La saynète est jouée et le débat lancé, là encore les réactions stéréotypées émergent : «  les garçons savent faire plus de choses », « ils sont plus forts », mais quelques un·e·s admettent que filles ou garçons peuvent très bien faire les mêmes choses. D’autres ont même relevé que le personnage de la fille a bien dit à son père qu’elle avait appris, alors pourquoi ne pas la laisser faire ?!

Le binôme d’animation demande : « Vous pensez que les filles ne peuvent pas monter aux arbres ? », « Qui a déjà vu des filles faire de l’escalade ? » (la majorité réagit positivement en affirmant que oui les filles font de l’escalade », « alors pourquoi elles ne pourraient pas monter aux arbres ? », un enfant répondra sur le ton du défi « Vas-y » en s’adressant à l’animatrice.

Les deux animateurs s’échangent les casquettes, l’animatrice met la noire et l’animateur la rose, tous les enfants rient, ils réagissent vivement par rapport à la casquette rose, une enfant affirme que « ça ne lui va pas » sans pouvoir en dire davantage. D’autre disent que le rose « ça fait Barbie ». Un autre atténue le propos en disant que c’est une casquette qu’il mettrait parce que c’est de la marque de maître Gims… (En effet la casquette rose à fleurs est de la marque « Vortex »), la casquette noire en revanche passe mieux, seul un enfant lance « c’est les filles racailles qui en mettent ».

La notion de honte est abordée de nouveau, et l’animateur·trice propose «  et si vous étiez sur une île déserte est-ce que mettriez un t-shirt rose ?, la plupart des enfants ne répondent pas (y réfléchissent ?) ; un enfant intervient pour dire que « non, ça me donnerait trop une mauvaise image de moi ». Il a répondu en ne prenant pas en compte l’environnement« désert », mais l’environnement « école », un autre rebondit pour dire « chacun ses goûts ».

L’interpellation « Et les filles, ça joue pas aux jeux vidéos ? » suscite la plus grosse réaction : ils et elles ne sont pas d’accord avec cette affirmation !

Le débat sera élargi à toutes les formes de différences « La tolérance qu’est-ce que c’est ?», les enfants donnent une définition sans difficulté. Un enfant dira même qu’ « on aime quelqu’un pour ce qu’il est, pas pour ce qu’il porte. »

L’animateur accompagnant interviendra aussi pour partager le fait que dans sa jeunesse il a fait de la danse classique : les enfants vont là encore réagir vivement ! Il sera raillé, on l’appellera « Shakira », mais on le rassurera «  on t’aime bien même si tu fais de la danse classique » ; ils ont été surpris car cette animateur porte une barbe et que « les filles n’ont pas de barbe »… On leur affirmera que comme ils et elles peuvent le constater faire de la danse classique est permis à tou·te·s.

Un dernier tour de parole sera proposé – ce qui plaît énormément aux enfants – qui permettra aux enfants de partager essentiellement des expériences personnelles, surtout autour des apparences.

****

Cette journée aura été riche en enseignements. Les enfants proposent de belles surprises ; l’attention qu’ils et elles portent à leur environnement en fait aussi de bon·ne·s apprenant·e·s. Il est donc plus que nécessaire de prendre conscience de ce qui leur est transmis, car ce sont nos représentations qui participent à construire leur perception du monde pour demain.

****

Pour plus d’informations sur les actions de la Ville de Villeurbanne, signataire d’un plan d’actions pour l’égalité des femmes et des hommes à Villeurbanne 2016-2019 accessible en ligne et de la charte européenne égalité F/H dans la vie locale.

 


Voir aussi le témoignage de Mathilde, animatrice de l’atelier