À l’approche des fêtes de fin d’année, nous vous proposons de découvrir Vagalume, une librairie-café lyonnaise, spécialisée en littérature jeunesse, qui a ouvert ses portes à Gerland le 13 juin 2022.

Rencontre avec Marie et Lucile, ses fondatrices, par Florence Françon.

Tout d’abord, qui êtes-vous et comment est né ce projet de librairie ?

Marie : auparavant, je travaillais dans un café de spécialité, ce qui explique la partie barista. J’ai grandi dans un milieu baigné dans l’éducation nationale, mes parents et grands-parents étant enseignants. J’ai donc toujours porté beaucoup d’intérêt à l’accès à la culture chez les plus jeunes. Pour moi, il a toujours été important d’avoir des ouvrages de qualité pour la jeunesse dans les sujets abordés, c’est-à-dire ouverts d’esprit afin d’accompagner les adultes de demain. À titre personnel, j’avais des difficultés à trouver des ouvrages de jeunesse qui traitent de sujets de société et d’actualité.

Lucile : pour ma part, ce projet s’inscrit dans le cadre d’une reconversion professionnelle. J’ai été développeuse web pendant 7-8 ans donc un milieu totalement éloigné du milieu du livre ! Mais auparavant, pendant mes études, j’étais animatrice périscolaire et je m’occupais d’enfants avec des troubles du spectre autistique. J’ai donc beaucoup lu à ce sujet. J’ai également été accompagnatrice d’enfants dans le cadre des programmes de réussite éducative (PRE) à Meyzieu. Pour cela, on devait s’appuyer sur des ouvrages pour venir en aide aux enfants et aux jeunes afin de les accompagner sur le plan pédagogique. Afin de les aider dans leurs méthodologies de travail, je me suis beaucoup documentée.
J’ai renoué avec la littérature jeunesse à la naissance de mon fils.
La période du COVID a été un réel catalyseur de décisions, j’ai alors pris conscience qu’il était grand temps pour moi de faire un métier qui a du sens. J’ai souhaité revenir à des choses gratifiantes et qui m’avaient beaucoup plu.

Quelle est la démarche de Vagalume ?

Lucile : on voulait vraiment créer un lieu hybride. On avait à cœur de proposer un café-librairie, et ça fonctionne ! Les gens poussent la porte de Vagalume aussi bien pour découvrir nos ouvrages que pour profiter du coin café. Le côté café porte également beaucoup le côté librairie économiquement, ce qui est important après seulement 5 mois d’existence.

Marie : le projet est vraiment né de l’envie de donner aux plus jeunes l’accès à la lecture avec des ouvrages ouverts d’esprit qui fassent la part belle à la diversité culturelle, de genre, à des prix abordables. Plusieurs éditeurs proposent en effet des petites gammes à des petits prix. Par exemple, les Éditions Talents Hauts proposent des ouvrages à des prix très abordables, pour les plus jeunes mais aussi parmi les premiers romans. Nous proposons ainsi une malle par tranche d’âges avec des ouvrages à petits prix.

Vagalume est spécialisée en littéraure jeunesse mais elle propose aussi un rayon pour adultes. Le coin café permet bien évidemment d’accueillir les enfants autour de quelques jeux mis à disposition.

Au sujet de notre emplacement, on cherchait un local dans le 7e arrondissement mais on savait qu’il y avait déjà une offre intéressante du côté de Jean Macé. On voulait vraiment apporter une valeur ajoutée dans un quartier où il y avait moins d’offre. Nous avons eu la chance de découvrir ce local, situé, en plus, juste en face de la Bibliothèque municipale de Gerland.

Le fait d’être dans ce quartier a du sens et rejoint complètement notre projet. On le voit avec notre clientèle : on est dans quartier avec une forte diversité culturelle, sociale et on est ravie de voir que les gens sont agréablement surpris de voir des personnages diversifiés dans les livres que nous proposons. Il arrive souvent que des parents soient contents et hyper reconnaissants à l’idée de pouvoir proposer à leurs enfants des histoires qui ressemblent à leur propre famille : que ce soit des couples mixtes, des familles homoparentales, monoparentales, etc.

Lucile : nous portons en effet une grande attention à notre sélection d’ouvrages. Nous avons un cahier des charges pour chaque tranche d’âge, nous lisons chacun des livres que nous achetons. Si certains ne nous conviennent pas, si nous ne sommes pas convaincues, nous préférons ne pas les mettre en rayon.

On veut que nos ouvrages aient du sens et permettent de proposer des alternatives, une façon également de mettre en avant différent·es auteurs, autrices et maisons d’édition.

Marie : les livres pour enfants ont beaucoup évolué. Par exemple, sur les questions de genre, du rapport au corps, on a pu remarquer un avant et un après Me Too mais il y a aussi des ouvrages classiques, proposant la diversité et l’ouverture que nous recherchons, qui fonctionnent très bien. Certaines personnes préfèrent ce genre d’ouvrages, elles s’y retrouvent davantage.

Quels sont vos projets en cours ou à venir ?  

Marie : nous avons très vite échangé avec l’équipe de la Bibliothèque municipale, située juste en face de Vagalume, et nous nous entendons très bien. Nous avons donc pour projet d’organiser des rencontres croisées d’auteurs et d’autrices avec la mise en place de tables de vente, en 2023. On s’échange des conseils et bonnes pratiques : par exemple, on essaye de ne pas mener nos ateliers en même temps.

Lucile : dès le début, on avait des idées pour proposer des ateliers et en fait, ils sont venus à nous. Je pense notamment à une cliente, fan de littérature jeunesse, qui vient très régulièrement. C’est ça aussi qu’on aime, c’est la rencontre avec les personnes et on aime beaucoup quand les gens nous apportent des livres, partagent leurs lectures. Après plusieurs visites, nous avons appris que cette cliente fait des lectures pour enfants, dans des relais d’assistant·es maternel·les (RAM) et structures petite enfance : pour nous c’était l’occasion de concrétiser notre projet d’animations ! Elle est déjà venue à plusieurs reprises pour faire des lectures, notamment sur les stéréotypes de genre.

Marie : on va proposer d’autres lectures sur la littérature jeunesse sans stéréotype de genre. C’est vraiment un sujet qui intéresse. Nos ateliers sont vite remplis par des RAM (généralement organisés le mercredi matin) et des familles (organisés plutôt un samedi matin).

Lucile : nous proposons également des ateliers d’écriture (pour enfants de 8 à 12 ans et adultes) animés par une ancienne prof de français en reconversion.

Chaque animation est à prix libre. Quand on fait des ateliers manuels, c’est pour payer les intervenant·es et les matières premières.

Marie : le prix libre permet aux gens qui n’ont pas les moyens de payer des activités à leurs enfants.

Lucile : nous mettons aussi en place des ateliers suspendus dans le cadre de nos animations.

Marie : en plus du concept de café suspendu qui sera possible dès janvier, on aimerait mettre en place un système de livre suspendu. Cela permettrait d’offrir un livre en contribuant financièrement à toute ou partie du prix d’un livre.

Enfin, pour terminer, quels coups de cœur avez-vous envie de partager ?

Lucile : question difficile ! Il y en a tant …

Marie : alors je pense déjà à « Fille, Garçon » d’Hélène Druvert aux Éditions Saltimbanque. C’est un livre très beau, qu’on peut toucher, manipuler et qui aborde très simplement le fait qu’en tant que fille ou garçon, on le droit et on peut tout faire.

Lucile : moi j’aime beaucoup « Rêveur » de Mark Janssen aux Éditions Kaléidoscope. Il s’agit d’un dialogue entre un père et son petit garçon qui ne se reconnait pas dans les projets de ses camarades de classe (les métiers qu’elles et ils veulent occuper). C’est un garçon très sensible. Son papa l’emmène en promenade et profite de ce que chacun d’entre eux voit pour lui expliquer qu’il y a une diversité de façons d’être : il y a des faiseurs, des penseurs et des rêveurs, comme lui ! La beauté et la richesse des illustrations permettent de comprendre où le papa veut en venir : chacun·e voit les choses différemment et c’est très bien.

Marie : nous parlions de l’importance de représenter la diversité des familles. À ce sujet, nous recommandons « Et toi, ta famille ? » de  Charlotte Bellière et Ian De Haes aux Éditions Alice Jeunesse. L’histoire a lieu dans une cour d’école et débute par le jeu : « et si on jouait au papa et à la maman ? » ce qui permet aux enfants de parler de leurs familles respectives. Cet ouvrage est porté par le Collectif Famille qui propose un support pédagogique pour les enseignant·es : https://www.collectiffamilles.com/sensibilisation

Nous aimons beaucoup ce duo d’autrice et d’illustrateur qui a également réalisé « Le guichet de la Lune ».

Ce type de livres est très important pour nous car ces messages d’égalité, d’ouverture d’esprit, les droits eux-mêmes ne sont jamais des acquis définitifs. Il faut donc faire régulièrement des rappels avec des livres adaptés aux plus jeunes et aux ados.
Sur la question du rapport au corps et du consentement par exemple, nous avons des ouvrages accessibles dès la petite enfance. Je pense notamment à « J’aime mon corps » de Nikki Luna et Julienne Dadivas paru chez Bayard Éditions Jeunesse.  Selon nous, il peut être lu dès un an. Cette thématique est également beaucoup abordée dans les ouvrages proposés dans notre rayon pour ados.

Enfin, notre immense coup de cœur du moment est « La couleur des choses » de Martin Panchaud aux Éditions Ҫa et là. Il s’agit d’un roman graphique qui a remporté le Prix suisse du livre jeunesse en 2021. C’est un ouvrage très très intéressant car il propose une intrigue qui nous fait plonger dans les scénarios que se crée un jeune ado de 14 ans. Le graphisme est très simple, il ne comporte que des pions. Nous voyons les scènes d’en haut. Et c’est vraiment très fort, on ressent tout : on rigole, on a les larmes aux yeux. C’est très spontané. Nous le recommandons à partir de 15 ans et pour les (jeunes) adultes !

Café

Pour feuilleter ces recommandations (et bien d’autres), dans un lieu chaleureux, avec un bon café (par exemple…), rdv à la Librairie Vagalume, au 37 bis Place des Pavillons à Lyon 7e !