EPS : Les pompes de « filles » – version 5ème
Année scolaire 2012-2013
Lieu : collège de l’agglomération lyonnaise, cours de sport en 5ème
Personnages : un professeur de sport expérimenté, une classe de 5ème composée de 16 filles (dont Lorie, Lisa et Sofia) et 6 garçons.
L’anecdote :
Les élèves passent en début d’année une évaluation dans diverses disciplines d’EPS, qui ne sera pas enregistrée dans la moyenne. Parmi les tests, des tractions au sol (pompes) sont à effectuer. Les critères de réussite annoncés par le professeur, pour avoir 20/20 (même si « ce n’est pas noté », « cela ne comptera pas dans la moyenne ») sont :
« Effectuer 10 pompes normales pour les garçons » et « Effectuer 8 pompes de filles pour les filles ».
Les élèves passent à tour de rôle dans l’ordre alphabétique.
En réponse à la consigne :
- 13 filles sur 16 effectuent avec succès l’exercice. 3 abandonnent en deçà de 8 pompes.
- 2 filles sur les 13 ont envisagé de faire des pompes « normales ». Aucune n’y a été encouragée par le professeur.
- Les 6 garçons envisagent de réaliser les pompes « normales ». La difficulté éventuelle étant le nombre visé : 10. Aucun n’envisage de faire des demi-pompes, ni n’y est encouragé par l’enseignant.
- Seuls 2 garçons sur 6 effectuent avec succès la demande, dont un qui a visiblement du mal, mais qui est invité par l’enseignant à recommencer chaque fois qu’il ne réalise pas une pompe en bonne et due forme.
Autres comportements particuliers :
- Lorie lorsque vient son tour « Est-ce qu’on peut faire les pompes que font les garçons ? » Le professeur : « Non, cela rend la notation difficile. »
- Lisa, passant à la fin, est invitée par sa camarade Sofia qui l’a déjà vue en effectuer, à faire des pompes complètes. « Eh, Monsieur, Lisa, elle sait faire des pompes complètes, regardez ! » Lisa s’exécute et s’arrête épuisée à 8 (« parce qu’après tout, on ne me demande pas d’en faire 10, à moi, puisque je suis une fille »).
- Pendant le passage de Lisa, Lorie revient à la charge et interpelle le professeur : « Monsieur, pourquoi elle peut faire des pompes complètes ? Moi aussi je peux les faire ! » Le professeur : « C’est bon, je sais que tu peux les faire aussi, on ne va pas recommencer. Toi tu as réussi l’épreuve de toute façon. »
En dehors de l’intérêt de faire effectuer des tractions au sol aux élèves, que nous ne discuterons pas ici, nous pouvons nous interroger sur les effets produits par la pratique et les propos relatés :
- Que retiennent les élèves sur les attentes vis-à-vis des garçons ? Sur celles vis-à-vis des filles ?
- Qu’induit de proposer aux garçons des « pompes normales » et aux filles des « pompes de filles » ?
- Un argument est-il avancé pour expliquer la différence d’épreuve ?
- Qu’est-ce qu’il induit sur le potentiel des filles ? Et sur le potentiel des garçons ?
- A votre avis, que ressent Lorie lorsqu’elle demande si elle peut faire les mêmes pompes que les garçons ?
- Et que ressent-elle lorsque le professeur lui dit qu’il n’a pas besoin qu’elle lui fasse la démonstration de sa capacité à faire des pompes complètes ?
- La réponse du professeur (« cela rendrait la notation difficile ») est-elle adaptée sur le plan pédagogique ?
- Les filles et les garçons sont-ils.elles valorisé.e.s à égalité ?
- Les élèves sont-ils.elles à égalité sur l’incitation à se dépasser ? à acquérir de la confiance en soi ? à considérer les individu.e.s des deux sexes comme des adversaires sportif.ve.s potentiel.le.s de même envergure ?
- Affirmer la différence des sexes a-t-elle un intérêt éducatif dans l’exercice demandé ? Si oui, lequel ?
- A votre avis, sur quelle(s) croyance(s) (ou données) cette pratique est-elle fondée ?
- Est-ce une pratique permettant dans les faits le développement des compétences individuelles ?
- A votre avis, fallait-il détenir des ressources particulières (pratiques sportives, éducation égalitaire, caractère rebelle…) pour, en tant que filles, s’essayer aux pompes complètes ?
- A votre avis, que pense Sofia, qui encourage sa camarade à montrer ce qu’elle sait faire ?
- A votre avis, quelles hypothèses peuvent expliquer qu’aucun garçon, même parmi les non-sportifs, n’a envisagé d’effectuer des demi-pompes ?
- A votre avis, qu’est-ce qui a poussé Lisa à effectuer des pompes « complètes » alors que le professeur avait refusé cela à Lorie ?
- A quelles conditions Lisa aurait-elle envisagé d’aller au delà de 8 pompes ?
- A votre avis, que ressentent les garçons qui n’ont pas « réussi » l’épreuve ?
- Quelles pratiques éducatives pourraient être proposées dans un scenario alternatif « Tu peux le faire » ?
Pour aller plus loin, voici un lien vers le résumé de la thèse de Catherine PEIRO-MORENO (Lyon2, 2010, Direction Gilles Combaz) : Mixité et inégalités de traitement entre les filles et les garçons : l’exemple de l’EPS dans le second degré
Si ce billet vous a intéressé.e, vous aimerez tout les C’est pas pour toi, et en particulier :
Pour aller plus loin dans le questionnement, lire l’article de l’enseignante agrégée d’EPS Claire Pontais (SNEP-FSU) : ABCD de l’égalité en EPS : Enjeux et petits riens qui changent tout ! et l’Abcédaire de l’égalité en EPS du SNEP