En juillet 2020, L’institut EgaliGone aura dix ans. L’équipe actuelle a décidé de rassembler des témoignages, souvenirs, idées… et donc de contacter et solliciter un maximum de personnes qui ont participé à notre aventure pendant cette première dizaine d’années.

Pour préparer cet anniversaire, qui aura lieu en octobre 2020 nous publierons 10 lettres « spécial anniversaire », chacune représentant un an d’activité. Celle-ci parle donc de la création de l’association, dont nous avons déposé les statuts en juillet 2010. Bien sûr, les choses avaient commencé bien avant.

Violaine Dutrop, fondatrice à l’initiative du projet, a recueilli les propos de Fatima Roland et de Florence Allamanche, co-fondatrices de la structure, ainsi que ceux de sa sœur Anabel Dutrop, experte en positionnement de marques, qui a aidé le trio à définir son identité première. De temps à autre, des précisions sont apportées par Violaine entre parenthèses.

Pourquoi as-tu accepté de t’embarquer dans l’aventure ?

Faty (que je suis allée chercher pour ses compétences comptables, sa quête de justice, son énergie, et son immense enthousiasme) : J’ai toujours été très sensible à ce sujet, mais sans le savoir, parce que j’ai découvert réellement le sujet avec toi. Il y a toujours eu dans mon entourage des différences de perception filles-garçons. Je m’étais battue pour être l’égale de mon frère.

Tu as mis le doigt sur des problématiques que j’avais connues et réglées spontanément alors que je ne savais pas ce que c’était. Je me suis battue toute ma vie. Ces stéréotypes m’ont parlé parce que j’ai combattu cela, mais pas avec mon père. Je ressentais le poids de la société. Même les profs créaient des injustices. Je voulais m’orienter en mécanique mais ils m’ont dit « Tu sais qu’il n’y a que des garçons ? », ce qui m’a découragée et je me suis retrouvée en comptabilité. Pour le passage en S, les garçons leur semblaient plus concernés, et puis ils étaient davantage interrogés que les filles autour de moi. En plus, je cumulais, en tant que fille d’immigrés. On nous met tout le temps dans une case. Je me souviens d’un conseiller d’orientation qui m’avait dit « vos parents ne parlent pas français ». C’était très stigmatisant.

Florence (que j’ai approchée pour sa joie de vivre, sa force, ses compétences en infographie, ses immenses valeurs humaines et l’amitié que nous avions créée grâce à nos enfants) : Parce que c’est un sujet qui me parle, j’ai vécu de près cette inégalité. J’ai ressenti cela dès l’enfance dans ma famille, mais aussi à l’école où les filles et les garçons sont rangés dans des cases, dans des moules préfabriqués dans lesquels il est dur de se sortir. C’est difficile pour les enfants de libérer la parole face à la discrimination homme-femme alors avec le temps, en devenant adulte, j’ai voulu m’emparer davantage du sujet et être dans l’action.

EgaliGone, pour toi, qu’est-ce que ça représente ?

Faty : C’est une action qui selon moi donne des clés de compréhension de ce qui se passe dans la société. J’ai pu mettre des mots sur ce que j’ai vécu. Quand tu m’en as parlé, j’ai compris ces choses que j’avais vécues.

Dès le début, participer à cette aventure a été une de mes fiertés. Je pouvais agir, en t’aidant à réaliser ce projet. Du coup, c’est aussi devenu une source d’apaisement.

Florence : C’est pour moi un réel pas en avant, et c’est agir, s’investir dans une cause primordiale qu’est l’égalité des places et des chances pour TOUS, parce que tout le monde est concerné filles comme garçons, femmes comme hommes.

Anabel : Ce qui me vient tout de suite, c’est un combat, celui de l’égalité des chances. C’est aussi un collectif de personnes enthousiastes, investies, de tous âges, de tous horizons. Et puis un centre d’initiatives, de formation, de ressources. Enfin, c’est surtout un chemin, vers une société plus juste, plus égalitaire.

Un souvenir, un événement de notre action en cette année 2010 ?

Faty : Je me souviens que j’étais impressionnée par ta capacité à rédiger des statuts (en fait j’ai suivi quasiment toutes les formations dispensées par le Conseil Général cette année-là !), alors qu’aucune de nous n’avait jamais fait cela avant. Notre comité était très restreint et on finissait tard, très tard parfois, et souvent chez toi !

Et puis j’ai appris plein de choses. Je sentais que c’était important. J’étais fière et contente. Ça m’a fait du bien. J’ai mis une petite pierre sur le sujet. Ça m’a apaisée. J’ai mis des mots sur quelque chose que j’avais à résoudre mais qui me dépassait largement. C’est beaucoup moins personnel à présent. J’ai pu clôturer mon problème en quelque sorte, parce que je sais désormais que plein de gens travaillent sur ça. Ça me fait du bien également de savoir que l’association est toujours active. Je reste très fière.

Florence : Ce qui me vient en premier c’est notre enthousiasme et notre investissement, chacune avec ses motivations, ses compétences pour un projet d’envergure commun, on se sentait capable de déplacer des montagnes. C’est aussi notre rencontre, nos échanges, nos réunions de travail où on avançait ensemble. C’est aussi pour moi une grande fierté d’avoir participé à la construction de ce projet et de voir son développement et son action toujours très présente 10 ans après.

Anabel (venue de Paris spécialement pour animer des temps de réflexion pour nous) : Je me souviens de sessions de travail inspirées pour mettre en mots le projet-source. Il s’agissait de formuler la raison d’être d’EgaliGone, le rêve qui l’anime et l’a guidé toutes ces années.

Quelle influence cette collaboration a eue sur ton parcours de vie ?

Faty : Je suis toujours en éveil désormais. Au niveau personnel, j’ai lâché doucement des tâches à la maison, sans rien dire, peu à peu. J’ai laissé le champ ouvert pour qu’une implication soit possible par autrui. C’est plus facile une fois qu’on comprend les raisons pour lesquelles on tient à effectuer ces tâches. Finalement on fait plus de choses ensemble avec mon conjoint : on s’entraide davantage, en polyvalence ! Et puis ça me plait à moi aussi d’être dehors…

Florence : Je suis, comme Faty, toujours en éveil sur le sujet et je continue à m’attacher à en faire prendre conscience à mon entourage. Je continue aussi au niveau personnel à agir pour cette égalité dans ma vie personnelle comme professionnelle.

Anabel : Ce projet m’a apporté une plus grande conscientisation de l’étendue des biais de genre et de leur acceptation. Et il m’a permis de mener une réflexion sur mes propres stratégies d’acceptation et de refoulement.

Quelque chose à ajouter ?

Florence : Bravo pour ton investissement sur le projet et merci de continuer à l’accompagner pour faire bouger notre société.

Faty : Je ne serai malheureusement plus à Lyon en octobre prochain…

Anabel : Bravo pour cette décennie ! D’avoir anticipé et accompagné ce mouvement de fond qui secoue nos sociétés. D’avoir nourri, aiguillé, outillé celles et ceux qui ont croisé votre route.

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