Pour chaque année d’activité jusqu’à aujourd’hui, nous avons sélectionné un événement important pour l’association, une de nos réalisations ou productions particulière, et une intervention marquante. Voici un zoom sur cette sélection 2012, témoignages et souvenirs à l’appui !

LA REALISATION : conception, tournage et diffusion du micro-trottoir “L’énigme du chirurgien »

Nous étions encore un petit nombre, mais nous avions déjà la chance de constituer à la fois un lieu de stage et un lieu de militantisme ! L’idée de créer un micro-trottoir sur le sujet du langage est venue après une discussion sur les réponses apportées à une énigme pas encore connue de tout le monde… Voici le lien vers le micro-trottoir expérimental réalisé par Elodie et Stéphanie, qui se sont emparées avec joie de cette production, dans les rues de Lyon.

Violaine : Quel est votre souvenir concernant la réalisation de ce microtrottoir ?

Stéphanie Gosset : « Le souvenir le plus marquant pour moi se situe avant le micro-trottoir, lorsque tu m’as raconté l’histoire. J’étais à l’époque infirmière, et il se trouve que je travaillais en consultation de chirurgie orthopédique. J’ai été choquée de ne pas comprendre l’histoire, d’être absolument perplexe, dans la mesure où parmi les chirurgiens, il y avait aussi des chirurgiennes. Mes collègues et moi-même disions régulièrement aux familles « Le chirurgien va venir », de façon indifférenciée au masculin. C’est donc avec plaisir que j’ai participé au micro-trottoir. »

Elodie Brisset : « L’émulation avec Stéphanie lors de la construction du scénario qui se voulait le plus démonstratif possible (avec un triptyque de conditions « expérimentales ») mais aussi à l’issue lorsqu’il s’est agi, autour de diabolos aux parfums extraordinaires, d’en tirer les grands résultats et enseignements, à la fois très en phase à nos attentes, et tristement lourds du poids du chemin sociétal qu’il reste à parcourir. Je me souviens aussi de la facilité avec laquelle les gens se prenaient au jeu (on leur proposait de jouer à répondre à une énigme…) et de l’excitation tacite que cela générait chez moi (sans doute celui de tendre un petit piège mental… et d’avoir l’opportunité probable d’ouvrir leur champ des possibles dans 10, 9, 8, 7…). Et je me souviens aussi de cette dame qui expliquait sereinement et avec conviction que non : les chirurgiens étaient des hommes, enfin sauf peut-être pour les petites chirurgies… Le désappointement face à la force des croyances. » Elodie Brisset

Cet épisode a-t-il eu une incidence éventuelle sur vous ?

Stéphanie Gosset : « Le souvenir que je relate m’a fait prendre conscience de l’importance du langage comme expression et vecteur des inégalités de genre (et d’autres inégalités). Aujourd’hui, j’utilise l’écriture inclusive, et à l’oral je m’astreins à nommer les hommes et les femmes, particulièrement lors de prises de parole publique. »

L’EVENEMENT : La restitution publique de notre grande enquête « Perception de l’égalité par les équipes éducatives de l’enseignement public » des académies de Lyon et Grenoble

De fil en aiguille, grâce à une première enquête réalisée en 2011 en lien avec Elise Vinet, maîtresse de conférence en Psychologie Sociale à l’Université Lyon 2, nous avons confirmé notre capacité à produire des savoirs et à accueillir une ou plusieurs étudiant·e·s en stage. Nous avons rencontré Claire Lachatre, chargée de mission égalité à la Délégation Régionale des Droits des Femmes et de l’Egalité, puis Florence Fioriti qui avait aussi cette mission à l’Académie de Lyon. A l’époque, l’appropriation de convention interministérielle pour l’égalité des sexes piétine au sein des équipes éducatives… Nous voici alors montant un projet commun, piloté par Claire, pour mener une grande enquête sur la perception de l’égalité par les personnels éducatifs de la région de l’époque (académies de Lyon et de Grenoble, auxquelles s’ajoutent les lycées agricoles qui dépendent d’un autre ministère). S’ensuivront 3500 réponses à l’enquête à analyser, un rapport passionnant, et plusieurs restitutions… Le tout grâce à une collaboration inoubliable pendant plus de six mois, avec Elodie Brisset. Retrouver tous les documents de l’enquête et de ses restitutions.

Elodie, quel souvenir gardes-tu de ce projet ?

Elodie Brisset(à l’époque étudiante-stagiaire, Master 2 Pro de Psychologie sociale) : « L’essentiel de mon activité chez EgaliGone, mon premier long travail professionnel (près de 6 mois je crois), très apprenant quant à l’écart entre idéal académique d’analyse de datas et attentes/besoins institutionnels pour l’action réelle et rapide. Et donc quant au rôle de ce type d’étude et de celle (ou celui) qui la traite. Plus précisément, j’ai un souvenir très fort de la restitution finale en 2 temps, à Grenoble puis à Lyon, auprès des personnels éducatifs, car c’était personnellement un moment de grand dépassement de soi pour moi. Et j’ai aussi souvenir d’un sentiment de vide une fois ce travail abouti et restitué : que reste-t-il à faire ? Tout ! comment je peux agir, moi ?… Une frustration finale quand l’action adviendra peut-être, lentement assurément… »

Quelle incidence EgaliGone  a-t-elle eu sur toi ?

Elodie Brisset : « Une sensibilité accrue au pouvoir transformatif de l’initiative associative, dans son influence possible des institutions notamment et donc sur un territoire d’action bien plus large que citoyen-micro-local, auquel est souvent spontanément associé l’imaginaire associatif.

Et côtoyer Violaine aussi m’a permis de renforcer ma conviction selon laquelle la qualité de l’action associative et de la force de sa propre militance ne supposent pas une uniformité, un “pureté” de parcours politico-professionnel, mais au contraire peut largement s’enrichir du frottement à une diversité de sources environnementales (économiques, scientifiques et théoriques, convictionnelles, pratiques citoyennes, professionnelles…). 

Par ailleurs, j’ai souvenir vraiment fort de la pièce C’est pas mon genre (du Lien Théâtre) décryptée avec des collégien·nes, et du forum associatif de Filactions pour le festival Brisons le silence, où l’on avait animé l’atelier « Croyance, Préjugé, Comportement » auprès de 3 classes de premières au BTS AS… C’était deux super moments professionnels et citoyens pour moi… Avec un accueil réel, des échanges bouleversants (dans une acception positive plus descriptive qu’affective), un sentiment d’impact fort. »

Que représente, ou qu’a représenté EgaliGone pour toi ?

Elodie Brisset : « Une initiative indispensable pour relocaliser l’analyse, les regards et les transformations là où cela semble trop souvent secondaire (il y a toujours plus urgent, plus manifeste, plus « résultant ») voire au-delà du champ des possibilités d’action socio-éducative (car du ressort de sombres déterminations infra sociales) : le plus jeune âge.

EgaliGone incarnait aussi pour moi la possibilité d’enfin pleinement conjuguer réflexion théoriques, sources scientifiques d’une part, et application concrète et directe, pour vraiment agir en conscience et en conscientisant, de façon à outiller les Autres pour l’action. »

L’INTERVENTION :  La table ronde à la bibliothèque municipale de Lyon 3 (point G) autour du film d’animation Le Baiser de la lune (16 mai 2012), sur invitation de l’association Rimbaud – Thème de la rencontre : « Enfance et homophobie : mauvais genre ? »

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Dessin réalisé par un.e enfant durant une intervention avec « le baiser de la lune »

Tanguy Dufournet, co-fondateur et présidente de Rimbaud à l’époque, nous avait contacté·e·s pour intervenir à une table ronde.

En 2012, les polémiques montent sur la façon de parler de l’égalité et du genre aux enfants, ainsi que sur le rôle de l’éducation publique sur le sujet. La salle est pleine à craquer et le débat en salle nous a laissé quelques souvenirs… Nous avons recontacté Tanguy, qui répond à nos questions. Vous pouvez suivre ses activités sur Twitter @TanguyDufourne1, ou son site internet http://tanguydufournet.fr.

Tanguy, quel souvenir gardes-tu de cet événement ?

Tanguy Dufournet : « C’est en essayant de me réapproprier mon histoire personnelle d’une rupture familiale en raison de mon homosexualité que nous avions créé l’association Rimbaud avec un groupe d’ami.e.s en 2009. L’association ambitionnait d’adopter une approche globale en ciblant les causes et les conséquences de l’homophobie : prévention et formation (intervention en milieu éducatif), culture et évènementiel (pour sensibiliser le plus grand nombre), l’accueil et l’écoute des victimes de LGBT, et l’hébergement d’urgence. 

C’est dans le cadre de notre travail de prévention que nous avons construit un projet autour du film « le baiser de la lune ». Depuis 2009, nous intervenions auprès d’un public essentiellement adolescent (collège et lycée). Nous avions voulu saisir l’occasion d’intervenir, avec sérieux et rigueur, auprès d’un public plus jeune (primaire). Dans ce cadre-là, nous avons négocié les droits avec le réalisateur et la boite de production du film qui avait, pour notre jeune structure, un coût non-négligeable. Une fois obtenu, les équipes de bénévoles ont pu travailler dessus pour construire une trame d’intervention. Parallèlement, nous avions construit différent partenariats avec un accueil de loisirs de Sainte-Foy-lès-Lyon, le point G (bibliothèque municipale de la Part-Dieu) porté à bout de bras par Sylvie Tomolillo, et l’institut EgaliGone. Ces deux derniers partenariats ont donné lieu à une soirée-conférence le 16 mai 2012 en présence de Franck Perrigault (travailleur social), Henri Fillet (PEEP), Sébastien Watel (scénariste et réalisateur), Violaine Dutrop (Présidente de l’Institut EgaliGone) et moi en tant que président de l’Association Rimbaud.

Cet événement, comme nos interventions, avaient fait l’objet de vives réactions de la part de la fachosphère, attisant les fantasmes et les peurs de certains parents. À l’époque pour l’organiser, nous avions rencontré les deux principales fédérations de parents d’élèves. Le souvenir qui me reste, certainement lié à mon étonnement, est le refus poli et “discrètement homophobe” de la fédération reconnue « de gauche ».

En tous les cas, c’est aussi l’occasion de remercier tou.te.s les bénévoles qui se sont engagé.e.s dans la réalisation de cet événement et qui ont contribué à sa réussite. Je pense, en particulier, à Audrey, qui le jour-J (et avant) avait été d’un grand secours dans la mise en œuvre logistique. Bien que gratuit, le temps des bénévoles est un bien des plus précieux. »

Que représente, ou qu’a représenté EgaliGone pour toi ?

« À l’époque, pour nous, l’Institut EgaliGone était (et est sûrement toujours) un partenaire qui pouvait nous apporter une véritable expertise sur les questions de genre et d’enfance. »

Quelle incidence cet événement a-t-il eu pour toi ?

« Cet événement fut pour moi, mais aussi pour tou.te.s les bénévoles qui s’y sont engagé.e.s, une excellente expérience dans le montage et ma gestion d’événements de vulgarisation. Pour l’association et son équipe, ce fut aussi l’occasion d’approfondir et de partager ses connaissances sur le genre qui émergeait à peine en 2006, en France. »

Se souvenir en deux liens

Conclure enfin, sur le témoignage de Cécile, rencontrée à l’issue de cet événement et devenue depuis une membre active d’EgaliGone. Elle a démarré par une contribution à l’analyse d’enquête citée plus haut :

Cécile Boukabza : « Je ne sais plus comment j’ai eu la bonne idée d’assister à la projection du Baiser de la lune mais 8 ans après je m’en réjouis encore. C’est lors de cette soirée que j’ai découvert EgaliGone et que j’ai pu me dire “Enfin une association qui se préoccupe de cet enjeu !”. L’intervention de Violaine a fait écho à mes années d’études sur le genre mais aussi à mes expériences d’animation ou en tant qu’assistante d’éducation. J’ai alors pu intégrer une action en cours en participant à l’analyse qualitative d’une enquête sur la perception de l’égalité par les enseignant·e·s du primaire dans le Rhône (rapport spécifique en ligne). C’était le début d’une communauté dont les idées m’enrichissent encore aujourd’hui ! »

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