Par Marion Erouart et Cécile Boukabza

Photo EgaliGone

Deux membres de l’association ont assisté le 9 juillet au webinar « Les héroïnes du studio Ghibli » proposé par Feminists in the city. La conférence était animée par Cécile Fara, co-fondatrice de l’association et Shoraya, guide conférencière licenciée en japonais.

Le studio Ghibli fête cette année ses 35 années d’existence, il se démarque par les messages véhiculés par les films produits ; il s’agit de discours anti-militariste et tournés vers l’écologie. L’autre spécificité concerne la place des femmes. Les inégalités dans le milieu culturel sont bien connues et décrites (voir par exemple les constats de l’association HF). Le Japon n’échappe pas à ces inégalités, on dénombre ainsi 34% des rôles parlants féminins au cinéma et 30% dans les films animés. L’intervenante rappelle que les femmes – au Japon comme ailleurs – sont les maillons de transmission des traditions et que dans un contexte socio-culturel où le pays compte 35% de femmes au foyer (14% en France) la volonté de présenter des contre-modèles de personnages féminins actifs, puissants et aventureux prend tout son sens. Ainsi 15 des 22 films du studio ont pour personnage principal une femme.

Et c’est plus spécifiquement l’univers de Miyazaki qui a été abordé lors de ce webinar, ainsi, sur les 10 films qu’il a réalisés 8 placent un personnage féminin en rôle principal. Non seulement les femmes sont présentes mais le modèle proposé par Miyazaki s’écarte des stéréotypes liés au sexe. Le monde du travail au Japon démontre d’inégalités entre les femmes et les hommes, on dénombre par exemple seulement 12% de femmes dans les postes à responsabilités. Le réalisateur Miyazaki se démarque également par la manière dont il représente les personnages féminins qui sont au plus proche de la réalité physique (se démarquant ainsi de la figure des femmes proposée dans les mangas) : beautés « ordinaires », absence de tenues ou de coiffures extravagantes.

La question de la coiffure est présentée par l’intervenante comme un élément central de l’évolution des personnages passant de jeunes filles naïves et innocentes en femmes aventureuses, indépendantes et compétentes par et pour elles-mêmes en même temps qu’elles arborent une chevelure longue puis courte. La perte de cette innocence et de cette fragilité est d’ailleurs facilitée par l’utilisation de personnages enfants ou adolescent×e×s qui sont confronté×e×s quasiment systématiquement à une séparation d’avec leur famille, à un voyage initiatique etc.

Les réalisations de Miyazaki peuvent être caractérisées par la présence d’ainées qui viennent en aide et servent de modèle aux héroïnes. Dernier point positif dans les représentations véhiculées par le réalisateur : dans l’ensemble de ses films les contacts physiques non initiés par le personnage féminin sont très rares. D’ailleurs la romance et la recherche d’un prince charmant ne sont pas une fin en soi dans l’histoire présentée.

Si 17 films sur 22 passent le test du Bechdel, plusieurs éléments relativisent d’après nous la portée de ces films. Tout d’abord, si on cible plus précisément les réalisations de Miyazaki, la complémentarité attendue des femmes et des hommes interroge et semble s’approcher d’arguments essentialistes et hétérocentrés : c’est l’association d’un homme et d’une femme qui permet la résolution de l’intrigue. Les personnages féminins sont inlassablement accompagnés d’un personnage masculin et convoquent sans cesse des qualités, compétences et énergies dites féminines ou masculines qu’ielles « combinent » pour parvenir à leurs fins. Par ailleurs, il est très satisfaisant de constater que les personnages féminins sapent les conventions de la bonne épouse et de la femme soumise mais ceux-ci sont régulièrement ramenés à une mission de « ré-harmonisation » entre l’humanité et la nature. Les femmes sont en effet présentées comme les seules à porter un intérêt mais aussi comme pouvant comprendre et utiliser la nature, son esprit et ses ressources à bon escient. Alors que l’analyse d’une domination commune (par le patriarcat et le capitalisme) entre femmes et nature pourrait être faite de façon pertinente, cet aspect n’est envisagé que de façon « mystique ».

Enfin, le fait que le studio Ghibli ne comporte aucune réalisatrice interroge sur la place accordée aux femmes dans la société.

Si ces derniers points nous amènent à penser qu’il reste encore des évolutions à espérer du côté du studio Ghibli, nous sortons tout de même de cette intervention avec l’envie de retrouver rapidement les graphismes de leurs films et l’idée que les productions de Miyazaki restent des modèles pour les jeunes spectateurs/trices bien plus positifs que la moyenne !