“J’ai été pétrifiée d’entendre les propos de notre président dans C à vous le 20 décembre dernier. J’ai immédiatement dit à mes enfants qu’il venait de se passer quelque chose de grave, un moment de bascule dans la légitimation de la culture du viol, qui démarre dès l’enfance, à cause de postures d’adultes qui n’en ont souvent pas conscience. Cette réécriture du déserteur n’est pas à la hauteur de mon indignation, mais c’est ce que j’ai pu élaborer pour me soulager, un peu, en tant que militante pour l’éducation à l’égalité des sexes, intervenante pro-égalité, autrice d’ouvrages sur le sujet, engagée pour une masculinité du soin, diplômée en droits humains, mère de trois filles, femme et ex-fille de France.” Violaine Dutrop

Ce texte est aussi publié sur le blog A propos de tout et jamais de rien.


Ecouter la version chantée
Monsieur le président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps.
Je viens de vous entendre
Sans scrupule défendre
Au nom de toute la France
Un fauteur en puissance.
Monsieur le président
Je ne peux pas me taire
Je ne suis pas sur terre
Pour boire vos arguments
C’est pas pour vous fâcher,
Il faut que je vous dise,
Ma décision est prise,
Je m’en vais objecter.
Depuis que je suis né·e
Sans cesse on nous oppose
Ou le bleu ou le rose
Pour nous faire différent·es.
Cette séparation
Comme d’être noir ou blanc
Prépare l’oppression
C’est une ségrégation.
L’école maternelle
Porte rien qu’en son nom
La sexiste vision
De tous nos gouvernants.
Aux femmes l’éducation
Et aux hommes le monde
En créant l’illusion
D’une mixité féconde
Car à la maternelle
Une fille doit être belle
Soigner faire attention
Et “calmer les garçons”.
Ils auraient des pulsions
Comme se défouler
Crier jouer taper
Dominer opprimer.
Puis à l’élémentaire
On juge bien normale
La position centrale
De colons dans la cour.
Les filles sont priées
De s’adapter autour
De se contorsionner
De compter pour du beurre.
Une fois au collège
Elles sont sexualisées
Sommées de s’habiller
Pour ne pas “provoquer”
Leurs libertés bafouées
Elles vivent dans la peur
Renvoyées à leur corps
Accusées d’exister.
Une fois au lycée
On demande à nos filles
De plaire sans désirer
Et puis de consentir.  
Un garçon désirant
Sauf s’il aime les hommes
On trouve ça charmant
Il devient un bonhomme.


Dedans la vie privée
On voit servir des mères
On voit sévir des pères
Et souffrir des enfants.
Partout on est prié·es
De taire nos histoires
De taire notre colère
De nous taire tout court.
Dedans la vie publique
Les femmes sont des objets
Les hommes sont des sujets
Dont on défend l’honneur.
Des hommes se coordonnent
Sans aucune vergogne
Leurs désirs sont des ordres
L’impunité leur art
L’éducation genrée
Pourtant pas au programme
Déploie toute sa gamme
Dans toute la société.
Partout le masculin
L’emporte haut la main
Et des garçons oppriment
Se pensant légitimes.
L’éducation sexuelle
En revanche nécessaire
Et même obligatoire
Est jugée secondaire.
Dommage car elle enseigne
Deux ou trois trucs utiles
Pour prévenir les violences
Et faire égalité.
Monsieur le président
Vous auriez dû vous taire
Et puis vous renseigner
Sur la culture du viol.
Une victime qui dénonce
Et c’est elle qu’on accuse
De détruire par la ruse
Telle réputation.
En défendant cet homme
Vous méprisez les femmes
Même Brigitte a dû faire
Des bonds à vos côtés.
Monsieur le président
Vos leçons d’empathie
Vous devriez les suivre
Pour vous humaniser.
Dans la France populaire
Que vous pensiez rallier
En agissant en frère
De votre congénère,
Vous n’aurez pas les femmes
Et n’aurez que peu d’hommes
Car la France n’est pas fière
La France est atterrée.


Paroles de Violaine Dutrop