Par Violaine Dutrop

            Comment éduquer nos garçons à ne pas devenir des tueurs ? C’est la question que la journaliste Pauline Ferrari se pose en clôture de son livre, Formés à la haine des femmes, paru récemment chez JC Lattès. Lecture nécessaire mais glaçante. Les mêmes constats alarmants s’accumulent, puisque le 22 janvier, le Haut Conseil à l’Egalité sortait son 6ème rapport sur le sexisme en France. Il fait état d’une situation qui empire, avec un sexisme qui naît dans la famille, continue à l’école et s’aggrave dans le numérique. Cette aggravation va de pair avec une faible éducation aux médias, une prévention insuffisante aux inégalités et au sexisme dès l’enfance, et la montée du masculinisme en ligne.

            Dans son article Le « masculinisme » : une histoire politique du mot (en anglais et en français), Francis Dupuis-Déri précise que “Le mot « masculinisme » est de plus en plus employé en français pour désigner un mouvement social conservateur ou réactionnaire qui prétend que les hommes souffrent d’une crise identitaire parce que les femmes en général, et les féministes en particulier, dominent la société et ses institutions.” Le livre de Pauline Ferrari, dont la lecture est glaçante mais nécessaire, s’appuie en partie sur le très bon ouvrage de Francis Dupuis-Déri La crise de la masculinité Autopsie d’un mythe tenace, qui analysait en détail le sujet. La journaliste s’appuie dessus, notamment pour le prolonger sur le terrain français.

            Rencontrant des adolescent·es depuis plusieurs années dans le cadre de son intervention d’éducation aux médias dans le secondaire une fois par semaine, la journaliste est témoin de la croissance des réflexions misogynes, des résistances, des exemples de pratiques violentes banalisées et confondues avec des pratiques sexuelles. Son enquête montre comment l’idéologie masculiniste (celle des partisans du retour du pouvoir des hommes qui estiment l’avoir perdu), autrefois circonscrite, infiltre désormais l’adolescence masculine dans ses cercles les plus proches, via les réseaux sociaux. Cette pensée devient désormais pensée commune (cf. l’odieux lynchage numérique organisé de AmberHeard par l’avocat de Johnny Deep décrit dans le documentaire La fabrique du mensonge sur FranceTV). Or, si ce n’est pas encore admis par tous les pays, ce mouvement, même s’il conduit à des actions d’individus isolés, vise et régulièrement TUE des femmes. (Pour rappel, le féminisme n’est pas son opposé puisque lui vise l’égalité, et qu’il n’a jamais tué personne). Le mouvement masculiniste commence à peine à être identifié comme terroriste dans le plan d’action nationale de lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent : en janvier 2023, la Suisse est le premier pays à avoir inclus les incels (une menace qui doit être prise au sérieux, nous dit Slate).

L’ouvrage de Pauline Ferrari aborde la question en 6 chapitres :

1. Les masculinistes, des hommes comme les autres ?

2. Des jeunes hommes au bord de la crise de nerf

3. Le mâle qui se propage

4. Des algorithmes et de hommes

5. La masculinisme tue

6. Peut-on éduquer nos garçons à ne pas devenir des tueurs ?

            Parmi ses préconisations, l’autrice insiste sur le volontarisme nécessaire et les moyens à mobiliser pour multiplier les interventions en milieu scolaire, en particulier sur l’éducation à la sexualité, ce qui croise les demandes du livre blanc sorti sur le sujet en novembre dernier, intitulé Pour une véritable éducation à la sexualité Les recommandations de la société civile aux pouvoirs publics.